À l’occasion d’un voyage d’étude sur le sujet des parkings vélos aux Pays-Bas, initié par Ile-de-France mobilités et co-organisé par Inddigo et Movares (bureau d’études Néerlandais), Roman VILLE-GLASAUER et Cécile DROUET D’AUBIGNY, Consultants Territoires, Aménagement et Mobilités chez Inddigo vous apportent un aperçu de plusieurs outils mis en place pour faciliter le stationnement vélo en zone urbaine.
Au sommaire de notre dossier :
- Comment les parkings vélos capacitaires se sont imposés aux Pays-Bas comme une nécessité pour libérer les parvis des gares ?
- Stationnement vélos dans l’espace public : le développement des parkings vélos urbains aux Pays-Bas
- La lumière et l’architecture, alliées de la qualité des parkings vélos néerlandais
- Favoriser une occupation dynamique des parkings vélos
- Un design et une signalétique intuitifs pour faciliter le repérage et l’orientation vers et à l’intérieur des parkings vélos
- Et si les parkings vélos de demain se transformaient en vélostations ?
Cet article vise à caractériser l’émergence des parkings vélos dans les centres urbains et les secteurs de forte fréquentation des villes néerlandaises pour « libérer » l’espace public du stationnement des cycles.
« 880 000 vélos pour 820 000 habitants »
Les vélos stationnés saturent l’espace public
À Amsterdam, alors que le nombre de vélos possédé par habitants ne cesse d’augmenter, les 220 km2 de superficie de la ville peinent à trouver de la place pour les stationner.
Si les néerlandais parviennent aujourd’hui à remplacer leurs déplacements en voiture par des déplacements à vélo, de nouveaux obstacles surgissent. Lorsque des flux énormes de vélos sont attirés vers les mêmes destinations, la congestion des pistes cyclables et la capacité de stockage des vélos devient problématique[1]. Dans les endroits populaires ceux-ci se retrouvent garés « illégalement » partout sur les trottoirs et les places, ce qui entrave l’accès aux magasins, bloque les rues et dégrade la qualité des quartiers commerçants et places publiques. De la même façon que les villes ont souhaité réguler, diminuer voire supprimer le stationnement automobile sur l’espace public, elles cherchent aujourd’hui à faire de même pour le vélo, même s’il est plus vertueux (absence de pollution, de bruit) et moins consommateur d’espace (10 places de stationnement vélo contre une place de stationnement auto).
Une réaction en chaine de vélos stationnés sans attache
Comme rappelé précédemment dans l’article sur le stationnement des vélos en gare, la spécificité du stationnement des vélos aux Pays-Bas est intrinsèquement liée à la morphologie des vélos hollandais. Au-delà de son assise droite bien connue de tous, les vélos hollandais sont tous équipés d’une béquille et d’un cadenas de roue (ou antivol de cadre[2]) qui leur assure ainsi de pouvoir stationner leur vélo sans support particulier que ce soit un mobilier prévu à cet effet ou du mobilier urbain comme on peut le voir dans les villes françaises (candélabres, barrières, etc.). Cette facilité à pouvoir stationner son vélo sans attache particulière contribue à faire naitre de gigantesques parkings vélos informels, où le stationnement d’un vélo en incite d’autres provoquant une réaction en chaine qui obstrue l’espace public.
Sans un suivi du stationnement vélo sur voirie, l’accès aux lieux publics devient impossible pour de nombreux usagers notamment les piétons et les personnes à mobilité réduite. Les véhicules d’urgence peuvent également être empêchés d’intervenir lorsqu’une rue est trop encombrée. Au titre des nuisances causées par ces parkings informels, l’impact visuel de ces masses de vélo et l’indisponibilité de ces espaces pour les activités humaines (rassemblements, parcs et squares, terrasses de cafés, etc.) sont également remis en cause.
Maintenir l’efficacité du déplacement à vélo en aménageant des parkings en proximité directe des lieux les plus fréquentés
Investir le bâti des quartiers les plus fréquentés de la ville
Face à ce chao du stationnement « illégal », les villes doivent faire face à un autre obstacle : les cyclistes recherchent systématiquement l’efficacité dans leurs déplacements : ils souhaitent garer leur vélo aussi près que possible de leur destination et gratuitement[3]. Par conséquent, les parkings vélos capacitaires doivent être situés à un endroit logique, connecté au réseau cyclable et le plus proche possible de la destination.
À Amsterdam, la ville n’a pas manqué d’imagination pour palier à ses besoins de stationnement vélos moyenne et courte durée en zone urbaine dense. Dans la rue très animée de « Reguliersdwarsstraat », amateurs de shopping, noctambules ou résidents peuvent désormais stationner leurs vélos dans un ancien parking voiture sous exploité où la ville a installé des doubles racks vélos.
A Utrecht, « House Modernes » vient d’ouvrir ses portes au cœur du centre-ville juste à côté du centre commercial et d’une station de métro. Ce local de 1 400 m2 dans un ancien sous-sol logistique du centre commercial abrite désormais près de 900 vélos pour les cyclistes de passage à la journée, des travailleurs, ou des résidents.
En ouvrage souterrain sous les espaces publics
De nombreux parkings souterrains sont également créés en dégageant de nouveaux volumes creusés sous les espaces publics et sous les rues.
Sous la place de Leyde (Leidseplein) très animée en soirée par les nombreux bars, restaurants, cafés et théâtres à proximité, un parking ultramoderne de 2 000 places a été créé et permet aux noctambules de garer leur vélo toute la soirée ou toute la nuit. L’ambiance lumineuse et la surveillance du parking garantit aux utilisateurs un sentiment de confiance et de sécurité à toute heure de la journée et de la nuit. Le nouveau parking a permis aux amstellodamois de redécouvrir leur place, jusque-là envahie par le stationnement vélo sauvage.
Reconvertir des pieds d’immeubles pour le stationnement résidentiel
Pour les résidents, il peut être difficile de trouver une place de stationnement dans son immeuble ou dans la rue. Les villes investissent donc également dans la reconversion de commerces vacants ou de rez-de-chaussée d’immeubles qu’elle possède en mini-parcs de stationnements à destination des riverains. Ainsi à Amsterdam une banque ou un rez-de-chaussée d’immeuble d’habitations ont été reconvertis en parkings d’environ 300 places à destination des riverains.
Proposer un stationnement vélo courte durée réversible
Dans certains quartiers d’Amsterdam, la demande en stationnement vélos varie en fonction des heures de la journée. Le soir, certains quartiers animés de la ville se retrouvent avec des centaines de vélos à stationner dans des rues souvent étroites. La municipalité autorise ainsi le stationnement des vélos entre 16h et 7h du matin sur des espaces de stationnement habituellement réservés aux véhicules de livraison.
La « police » et la sensibilisation dans l’usage de ces emplacements est faite par le cafetier situé à proximité qui a tout intérêt à conserver l’espace de stationnement disponible pour les livraisons en journée, puis à accueillir ses clients à vélo en soirée. La ville identifie l’emplacement réservé au stationnement sur béquille par des panneaux et des pavés spéciaux.
Anciens parkings voitures reconvertis, mixité d’usages voitures/vélos au sein d’un même parking, usages mixtes vélos/livraisons sur voirie en fonction de l’heure de la journée ou encore des parkings vélos temporaires au milieu de l’espace public : tous sont complémentaires et s’adaptent à leurs contextes urbains et pour rester le plus attractif possible, ils sont gratuits les 24 premières heures !
Mais parfois, proposer des solutions de stationnement vélos ne suffit pas et les municipalités se voient donc contraintes de contrôler le stationnement vélo pour mieux le réguler.
Contrôler puis enlever
Comme il est courant en France de procéder à des enlèvements de voitures mal stationnées, aux Pays-Bas, il existe également une fourrière vélo ! Afin de contrôler les vélos mal stationnés ou de réguler ceux qui ont dépassé la période de stationnement autorisée, les municipalités mettent en place un plan de contrôle des vélos présents dans l’espace public. A Amsterdam, toutes les 6 semaines un contrôle est effectué par quartier, sur les parvis des gares ou le long du tapis rouge, ce contrôle est intensifié par un passage presque tous les jours. A Utrecht, les abords du « plus grand parking vélo du monde » sont nettoyés quasi-quotidiennement des vélos en stationnement sauvage.
Si le vélo est considéré comme un stationnement gênant, il est automatiquement enlevé par la municipalité puis stocké à « Fietsendepot » un lieu de fourrière pour les vélos. Pour les vélos stationnés durant une grande période voire abandonnés, ils sont étiquetés puis enlevés quelques jours après la pose de l’étiquette.
Alors que dans les gares, on observe une mutualisation des coûts par des partenariats entre acteurs, (cf. notre article « Comment les parkings vélos capacitaires se sont imposés aux Pays-Bas comme une nécessité pour libérer les parvis des gares ? ») la mise en place de stationnements vélos en centre-ville nécessite également une volonté politique forte. La municipalité doit en effet trouver un foncier disponible à acheter ou louer sur un marché de l’immobilier déjà restreint, puis financer des couts de réaménagement des espaces et enfin subventionner le coût de mise à disposition à bas-prix du stationnement vélo pour les utilisateurs. Ce coût n’est pas vu comme un poids sur les finances de la ville mais au contraire comme une façon d’économiser de l’argent : en incitant les citoyens à se reporter vers le vélo, la ville économise sur d’autres postes (infrastructures, santé) et en libérant l’espace public de l’encombrement des nombreux vélos, elle économise sur les frais de mise en fourrière, plus onéreux que la gestion des nouvelles infrastructures de stationnement.
Et en France on en est où ?
Si la Loi d’Orientation des Mobilités (LOM)[4] règlemente l’installation de parkings vélos en gares et sur les pôles d’échanges multimodaux dès 2024, les règlementations pour les autres espaces publics restent faibles voire inexistantes. Les municipalités demeurent donc libres d’y faire installer du stationnement vélo.
Une forte demande de stationnements de tous les profils de cyclistes
Aujourd’hui dans une municipalité dense comme Paris, on observe que le stationnement des vélos demeure de plus en plus problématique dans les zones urbaines économiques. Avec l’explosion des services privés de micro-mobilité, les vélos des particuliers cohabitent désormais avec les vélos et trottinettes en free-floating. Entre les vélos des habitants du quartier en stationnement longue-durée, les vélos en free-floating, les vélos abandonnés et les vélos des livreurs de repas stationnés entre deux journées de travail, trouver une place de stationnement pour quelques heures peut s’avérer complexe.
Du mobilier urbain en guise de stationnement
Contrairement aux vélos hollandais, en France, les vélos ne sont pas systématiquement équipés d’une béquille et d’un pince-roue. Les municipalités françaises ne sont donc pour le moment pas concernées par la formation de gigantesques amas de vélos stationnés en chaine mais davantage par une occupation illégale de toutes sortes de mobiliers urbains. Rambardes de métro, barrières longeant le trottoir, arbres, poteaux, bancs et parfois même poubelles, l’adaptation des cyclistes face à une absence d’arceaux vélos est infinie tant qu’un support est disponible pour y accrocher leurs vélos.
Un encombrement des trottoirs et des espaces publics
En s’accrochant au mobilier urbain disponible, les vélos encombrent les trottoirs et réduisent l’accessibilité des personnes à mobilité réduite ou des poussettes. Cette appropriation du mobilier urbain pour y accrocher son vélo persistera tant que les municipalités n’organiseront pas le stationnement en variant ses formes et ses capacités pour s’adapter à tous types de besoins des cyclistes. Une opportunité demeure pour les municipalités à la suite de l’obligation légale de supprimer le stationnement motorisé sur les 5 mètres en amont des passages pour piétons[5] de les remplacer par des stationnements vélos.
Des projets pilotes de stationnement massifiés en ville
A Vienne dans le Rhône, l’agglomération a investi un local commercial vacant pour en faire un lieu de stationnement longue durée à destination des résidents[6]. Bordeaux Métropole a créé « la bicycletterie » sur le même concept en centre-ville.
La société Indigo développe actuellement des offres de stationnement vélo en reconvertissant quelques places de stationnement automobile dans les parkings concédés qu’elle exploite pour le compte de collectivités françaises avec une moyenne de 100 places/parking.
Ces offres ne sont toutefois pas encore interopérables comme celles des parkings vélos aux Pays-Bas et beaucoup moins souples d’utilisation : il faut un abonnement annuel ou mensuel et souvent attendre sa place plusieurs mois sur des listes d’attente.
Inddigo est un acteur incontournable pour le développement des nouvelles mobilités. Nos experts présents partout en France accompagnent les acteurs publics et privés dans l’étude et la mise en œuvre d’infrastructures et services vélos. Pour en savoir plus.
[1] Larsen, J. (2015). Bicycle parking and locking: ethnography of designs and practices.
Mobilities, 23. http://dx.doi.org/10.1080/17450101.2014.993534
[2] https://www.lecyclo.com/blogs/conseils/presentation-antivol-de-cadre-velo
[3] Martens, K. (2007). Promoting bike-and-ride: The Dutch Experience. Transportation Research
Part A, 41. (pp. 326–338), 326–338. http://dx.doi.org/10.1016/j.tra.2006.09.010
[4] Loi LOM, 2021, article 53
[5] Loi LOM, 2021. Les collectivités ont jusqu’au 31 décembre 2026 pour régulariser leurs stationnements motorisés.
[6] https://www.ledauphine.com/transport/2021/01/08/isere-vienne-un-nouveau-local-a-velo-pour-repondre-a-la-question-du-stationnement-longue-duree