VOIR LE SITE www.inddigo.com
Nous suivre :

Impacts des énergies renouvelables sur la biodiversité

Publié le : 22 mai 2023
Auteur : Sylvain Albouy
Partager l'article sur : j'aime tweeter google+ linkedin

Encourager le développement des énergies renouvelables tout en limitant ses impacts sur le Vivant est l’une de nos priorités. Quelles conséquences pour la biodiversité ? Comment se saisir de ces enjeux ?

Sylvain Albouy, Consultant écologue chez Inddigo, expert ornithologue et passionné nous partage son expertise.

 

Quels sont les impacts de la production des énergies renouvelables sur la faune ?

Depuis 25 ans et de façon accélérée ces dernières années, nous nous réjouissons du développement des énergies renouvelables (EnR). Pour autant, nous ne pouvons pas occulter que les installations de production de ces EnR ont des impacts directs ou induits sur les populations, les paysages, les milieux et la biodiversité.

# Les installations éoliennes terrestres s’accompagnent de risques de mortalité pour la faune volante : les oiseaux et les chiroptères (chauves-souris). Ces risques sont essentiellement des collisions avec les pales en mouvement qui peuvent atteindre des vitesses importantes (environ 300 km/h en bout de pale) et des barotraumatismes (lésions tissulaires provoquées par une variation de pression aux abords des pales en mouvement). Ces impacts sont spécifiques à ce type d’aménagement pour lequel il convient alors de considérer l’espace aérien comme un espace d’habitat d’espèce. D’autres impacts existent, notamment l’effarouchement en phase d’exploitation ou le dérangement en phase chantier, qui peuvent provoquer une perte de territoire, d’alimentation, de repos ou de reproduction des oiseaux.

Toutes les espèces n’ont pas la même sensibilité à la présence des machines. Certaines vont déserter la proximité des parcs, on parle alors de perte de territoire et d’espace de vie. C’est le cas notamment pour de grandes espèces comme les aigles. D’autres, souvent plus communes et moins craintives, vont profiter de la gestion du parc pour chasser voire nicher sous les éoliennes. C’est le cas des oiseaux adeptes des milieux ouverts comme le Faucon crécerelle (chasse) ou le Pipit rousseline (reproduction au sol). D’une manière générale, les oiseaux arrivent à intégrer les éoliennes dans leurs espaces de vie que ce soit en reproduction ou en migration. Le Vautour fauve, le Milan noir et le Circaète Jean-le-Blanc, par exemple, sont des rapaces qui fréquentent sans crainte les parcs éoliens. De fait, les risques de mortalité par collision sont plus importants pour ces espèces. Certains passereaux migrateurs nocturnes sont également victimes des éoliennes. Il s’agit particulièrement des Roitelets et des Gobe-mouches noirs par exemple.

# L’éolien offshore entraîne également des répercussions sur la faune volante (oiseaux marins dits pélagiques et chiroptères en transit ou en migration) mais aussi sur les mammifères marins (phoques, cétacés, etc.), les poissons et de façon générale sur l’écosystème marin dans son ensemble. Ces impacts peuvent être négatifs : perturbation et mortalité. Mais ils sont aussi parfois positifs, par exemple quand les fondations des éoliennes sont pensées pour créer des récifs et ainsi développer une faune marine, ou lorsque tout ou partie du parc est mise en réserve de pêche.

# Les installations photovoltaïques au sol présentent un impact majeur de modification de l’habitat. Cette modification peut induire une désertion des lieux pour certaines espèces, notamment les espèces dites « steppiques ». Ce sont des espèces essentiellement terrestres qui nichent au sol et qui ont besoin de vue dégagée. Typiquement, l’Outarde canepetière ne fréquentera plus les friches qui accueillent des centrales solaires au sol. A l’inverse d’autres espèces s’accommodent très bien aux installations comme les Alouettes, les Cochevis ou la Pie-grièche à tête rousse qui se perchent sur les clôtures ou les angles des panneaux solaires pour chasser à l’affût ou chanter.

Les impacts des installations sont à considérer à différentes échelles. Au-delà des impacts immédiats et directs sur les individus locaux, il faut s’intéresser aux impacts indirects, aux impacts cumulés ainsi qu’aux impacts à l’échelle de l’ensemble du territoire (pour une espèce à grand territoire comme les aigles) ou à l’échelle d’une population notamment pour des espèces à statut défavorable et à faible dynamique ou dynamique négative (c’est le cas du Traquet oreillard par exemple). Il faut noter également que la perturbation d’une espèce a des répercutions induites sur l’ensemble de son écosystème.

4 espèces d'oiseaux impactés par la production d'énergies renouvelables
1- Aigle royal juvénile (rapace à grand territoire à considérer et gérer à grande échelle) ;
2 – Outarde canepetière mâle (espèce steppique sensible à la verticalité dans son habitat de friche)
3 – Couple de Pie-grièche à tête rousse perché sur le grillage-clôture d’un parc photovoltaïque
4 – Traquet oreillard mâle nicheur dans un parc éolien (espèce patrimoniale à préserver voire à favoriser par des mesures compensatoires adaptées)
® Inddigo-Sylvain Albouy

 

Comment se saisir de ces enjeux et préserver les espèces ?

# Éviter, Réduire, Compenser (ERC) pour accompagner le développement des EnR par des projets respectueux de l’environnement et de la biodiversité

Il est important de mobiliser toutes les connaissances et expertises nécessaires pour :

  • préserver la biodiversité existante (E) ;
  • diminuer les risques de mortalité (R) ;
  • et mettre en place des mesures d’accompagnement ou compensatoires en cas (d’impacts résiduels significatifs) réalistes, efficaces, durables, anticipées et inscrites dans un projet de territoire. (C)

Ce principe d’ERC doit guider toutes les étapes de la vie d’un parc éolien ou photovoltaïque au sol. Pour cela, nous intervenons très en amont des projets en conseillant les développeurs. Nous réalisons ensuite l’encadrement écologique des chantiers, le suivi d’impacts des installations en fonctionnement ainsi que le suivi de mortalité, la définition des mesures compensatoires et l’évaluation de toutes les actions mises en place.

# Avoir une très bonne connaissance des espèces et de leur écologie

Une installation de production d’énergies renouvelables ne peut se concevoir et fonctionner sans l’accompagnement d’écologues et naturalistes généralistes et spécialistes : ornithologues, chiroptérologues, herpétologues, botanistes, etc.
Une expertise accrue est d’autant plus nécessaire à certains moments clés de la vie des espèces (en fonction de leurs statuts) et des parcs (en fonction de leurs implantations). Au printemps et au début de l’été par exemple, la règlementation pour la Défense des Forêts Contre les Incendies (DFCI) exige de maintenir une végétation très basse dans un périmètre de sécurité autour des infrastructures de production d’énergie. Ces travaux de fauche sont incompatibles sur cette période avec la reproduction au sol de certaines espèces protégées. L’accompagnement d’un écologue expert est donc indispensable pour trouver le juste équilibre en termes de calendrier et d’ajuster l’intervention, en identifiant, localisant et protégeant les nids.

# S’appuyer sur une technologie de pointe

La gestion des parcs éoliens a fait l’objet d’avancées technologiques ces dernières années avec la mise en place de Systèmes de Détection Automatique (SDA) qui permettent de détecter les oiseaux en vol et qui viennent compléter la régulation volontaire nocturne des machines en faveur des chiroptères. Lorsqu’un oiseau est détecté dans un périmètre défini autour d’une éolienne, celui-ci est incité à dévier sa trajectoire à la suite d’un effarouchement sonore qui attire son attention. Si besoin et en dernier recours, l’éolienne s’arrête de fonctionner pour laisser passer l’oiseau.
Afin d’évaluer, d’améliorer l’efficacité des systèmes de détection et d’effarouchement et de faire évoluer la réglementation actuelle nous avons été retenus pour intégrer le projet de recherche « Réduction de la Mortalité Aviaire dans les Parcs Éoliens en exploitation » (MAPE) coordonné par le CNRS.
Dans notre sac à dos, nous pouvons compter sur des jumelles télémétriques Vector capables de nous donner la distance et l’azimut, donc la hauteur, d’un oiseau en vol par rapport à une éolienne. Connectées à une tablette ou smartphone elles permettent de représenter sur une carte les trajectoires précises des espèces cibles : des informations essentielles pour mieux comprendre leur comportement à l’approche des machines mais aussi pour établir un état initial fiable et précis indispensable à la conception d’un nouveau projet.

# Bénéficier d’un état initial avant implantation le plus détaillé possible

Il est nécessaire de maîtriser et de représenter tous les enjeux inhérents à la réalisation d’une installation. Avant de concevoir un parc, nous élaborons une cartographie de tous les aspects à intégrer dans le dimensionnement. Nous nous attachons par exemple à bien comprendre l’aérologie des sites de façon à anticiper les trajectoires et comportements des oiseaux. C’est ainsi que nous préconisons des trouées quand cela s’avère nécessaire. Ce sont des espaces entre des alignements d’éoliennes bien situés au niveau des couloirs de vol « naturels » des oiseaux.

# Capitaliser sur 25 ans de retours d’expériences

Avec mon équipe nous avons réalisé les toutes premières études d’impact et les premiers suivis ornithologiques des parcs éoliens à la fin des années 90 (programme EOLE 2005). Grâce à notre suivi sur de si longues années (d’abord chez Abies et maintenant chez Inddigo), nous avons appris énormément sur la réactivité des espèces en fonction de leur écologie et de leur sensibilité. Capitaliser sur ces retours d’expériences sera par ailleurs essentiel pour envisager le renouvellement des premiers parcs qui arrivent en fin d’exploitation et réussir un repoworing souhaité « à impacts positifs ».

# Accepter la perte de production au bénéfice de la biodiversité

Les exploitants, les développeurs et tous les acteurs concernés sont encouragés à trouver le meilleur équilibre entre production d’électricité et protection de la biodiversité. Un enjeu que nous prenons très à cœur puisque c’est l’ADN de nos métiers.

# Réfléchir à grande échelle, dans un projet de territoire, et en développant des démarches citoyennes

Nous l’avons vu, une installation de production d’énergie renouvelable doit être conçue en intégrant très en amont ses impacts directs sur la faune locale mais également ses conséquences à grande échelle, comme sur les populations d’oiseaux à grands territoires.
Dans le cadre de démarches citoyennes, nous souhaitons aller plus loin. Nos projets sont souvent prétextes à sensibiliser les acteurs et les habitants à la faune et à la flore qui les entourent. On peut se féliciter de voir changer les comportements pour une meilleure prise en compte de la biodiversité.
Par exemple, nous travaillons avec des caves coopératives dont des adhérents accueillent des éoliennes. Aujourd’hui, ils font le choix de lutter contre les maladies de la vigne avec des solutions naturelles et biologiques. Ils sont également moteurs pour installer volontairement des nichoirs à chauve-souris ou à Rolliers aux abords de leurs vignes qui sont des prédateurs de nombreux insectes. Nous sommes actuellement en réflexion avec ces partenaires pour une meilleure gestion de leurs friches pour la préservation et le développement d’espèces patrimoniales et symboles du vignoble comme la Pie-grièche méridionale qui souffre au quotidien de la destruction de son habitat notamment par écobuage (défrichement par brûlage dirigé)
Dans cette continuité, nous déployons des actions de préservation et de compensation en cohérence avec les enjeux du territoire. Inciter l’installation d’un berger pour gérer les espaces sous-éoliens ou sous-photovoltaïque a, par exemple, des effets directs sur la préservation de la biodiversité (en évitant l’intervention de matériel d’entretien invasif comme les débroussailleuses), la lutte contre les incendies (grâce à l’entretien) tout en créant une dynamique de territoire dans des espaces isolés (aspects économique et sociétaux).

Nous sommes convaincus que tous les acteurs concernés : naturalistes, exploitants, administrations, développeurs de solutions technologiques, associations de protection de la biodiversité, habitants, élus et chercheurs doivent avancer main dans la main pour construire le nid de solutions innovantes conciliant développement des énergies renouvelables et respect du Vivant.

Nous avons indéniablement besoin des énergies renouvelables. Nous avons nécessairement besoin de la biodiversité. Notre métier de passionnés est à l’interface entre ces deux priorités pour un monde durable et vivable dans lequel chacun trouvera sa place.

Lunettes télémétriques nécessaires au suivi ornithologique dans les pacs éoliens
Sylvain Albouy, Consultant écologue chez Inddigo et expert ornithologue avec des lunettes télémétriques Vector en intervention dans un parc éolien

 

 

Sylvain ALBOUY,
Consultant écologue chez Inddigo, expert ornithologue.

 

 

 

A lire également :
« Vous cherchez la petite bête ? » : pour en savoir plus sur les services rendus à la nature et aux humains par les insectes
Plus d’infos sur les expertises d’Inddigo : ÉnergiesBiodiversitéÉvaluation Environnementale

Ce site utilise des cookies à de fins de mesure d'audience anonymes. En poursuivant votre navigation vous acceptez notre politique de protection des données personnelles.