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Collectivités : comment mettre en place le tri à la source des biodéchets ?

Publié le : 21 novembre 2022
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D’ici fin 2023, les collectivités seront dans l’obligation d’organiser le tri à la source des biodéchets sur leur territoire. Comment respecter cette obligation ? Quelles sont les bonnes questions à se poser ? Quels sont les leviers à actionner ?

A l’occasion de la Semaine Européenne de Réduction des Déchets, nos experts nous éclairent sur les enjeux de la gestion des déchets organiques et les grandes étapes pour réussir cette transition nécessaire.

Biodéchets : une ressource bénéfique localement

Les biodéchets sont composés des déchets alimentaires et des déchets verts. Ils représentent encore un tiers du volume de nos poubelles d’Ordures Ménagères Résiduelles (OMR)[1]. Voilà quelques générations seulement que nous jetons nos déchets organiques à la poubelle, alors qu’ils sont avant tout une ressource. Changer notre regard sur les déchets organiques est donc crucial afin de redonner du sens et de responsabiliser les usagers sur leur manière de consommer, mais pas seulement.

En effet, le tri à la source des biodéchets répond à beaucoup d’enjeux locaux et comporte de nombreux bénéfices pour les territoires, comme :

  • Le maintien de la fertilité des sols
  • La réduction des déchets
  • La maîtrise du coût global du Service Public de Gestion des Déchets
  • Le développement économique de proximité
  • La création de liens sociaux dans les quartiers

Il n’existe pas de filière à Responsabilité Élargie du Producteur (REP) pour les biodéchets. Ce sont donc les collectivités qui financent la gestion des biodéchets des ménages.

Règlementer le tri à la source pour l’accélérer

Même s’il se développe en France depuis plusieurs années, le tri à la source des biodéchets ménagers et professionnels relève d’une démarche volontaire et est loin d’être généralisé. Pour faire face au gâchis représenté par l’absence de tri, l’article 70 de Loi de Transition Énergétique pour une Croissance Verte (LTECV) et l’article 88 de la Loi de lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (loi AGEC) ont fixé deux dates butoirs :

  • À partir du 1er janvier 2023, les entreprises qui produisent plus de 5 tonnes de biodéchets par an devront avoir une solution de gestion des biodéchets. Beaucoup d’établissements vont être concernés. La règlementation actuelle, en vigueur depuis 2016, concerne les producteurs de plus de 10 tonnes par an, considérés comme « gros producteurs.
  • Au 1er janvier 2024, il sera obligatoire, pour tous les producteurs ou détenteurs de biodéchets, d’organiser le tri à la source des biodéchets, y compris pour les collectivités territoriales dans le cadre du Service Public de Gestion des Déchets.

Afin de soutenir les collectivités qui s’organisent pour être dans les temps et d’aider à la mise en place de ces nouvelles obligations, l’ADEME s’est vu confier 100 millions d’euros dans le cadre du Plan de Relance de l’État.

Mettre en œuvre le tri à la source des biodéchets sur son territoire

1️⃣ Élaborer le diagnostic de son territoire

Pour qu’une collectivité mette en place un service de tri des biodéchets de façon efficiente, il est essentiel de commencer par avoir une bonne connaissance de son territoire. Il n’existe pas de solution clé en main et une même méthode appliquée sur deux territoires n’aura pas les mêmes résultats car ils ont des spécificités différentes. Pour les identifier, il est nécessaire de débuter par une étude de faisabilité et d’élaborer le diagnostic du territoire. Plusieurs questions doivent se poser :

  • La collectivité est-elle rurale ? Urbaine ? Un peu des deux ?
  • Quelle est la typologie de l’habitat ?
  • Existe-t-il déjà des acteurs locaux sur lesquels s’appuyer ?
  • Quels types d’usagers sont présents sur le territoire ?
  • Y a-t-il suffisamment de débouchés sur le territoire pour valoriser le compost produit ?

A cette étape, il faut aussi réaliser un état des lieux de ce qui est fait aujourd’hui et du par rapport à la population (composteurs, bioseaux, etc.). Des enquêtes permettent de savoir comment sont utilisés les composteurs et d’avoir un suivi sur les habitudes des administrés (compostage en tas en fond de jardin, alimentation animale, paillage, etc.).

Ensuite, il faut s’intéresser au gisement des biodéchets et à la composition des OMR de la collectivité, pour affiner la vision des enjeux. Le gisement des biodéchets correspond à la quantité totale de déchets organiques produits, à la fois par les ménages et les producteurs non-ménagers. La caractérisation des ordures ménagères permet quant à elle d’estimer la quantité et la nature des biodéchets présents dans les OMR (gaspillage alimentaire, restes de préparation de repas, déchets verts, etc.).

Enfin, il faut définir les objectifs de la collectivité en matière de gestion des biodéchets, car toutes n’ont pas les mêmes. En fonction des objectifs et des informations collectées, les scénarios proposés seront différents.

2️⃣  Étudier des scénarios adaptés

Une fois le diagnostic posé, il faut définir plusieurs scénarios à étudier (souvent trois). Un chiffrage et un dimensionnement technique est réalisé pour chaque. Vient alors le moment de calculer les quantités de biodéchets détournées ou collectées, les coûts de traitement, les spécificités techniques à mettre en place, le nombre d’Équivalent Temps Plein (ETP) pour tout le projet, l’accompagnement nécessaire, etc. Ces scénarios participent aussi à l’aide à la décision : lorsque la collectivité ne sait pas précisément ce qu’elle veut, lui proposer des scénarios radicalement différents peut l’aider à se positionner.

Plusieurs leviers sont étudiés :

# La méthode de tri
Il existe deux méthodes de tri à la source des biodéchets :

  • La gestion de proximité (compostage individuel, partagé, autonome en établissement, broyage et paillage de déchets verts, etc.). Elle permet un traitement des biodéchets au plus près du lieu de production et donc de réduire l’énergie utilisée pour le transport (les biodéchets sont lourds et leur poids est composé au 2/3 d’eau). Certains déchets alimentaires peuvent servir à nourrir les animaux domestiques, et les branchages peuvent être broyés et utilisés comme paillage ou dans le compost
  • La collecte séparée, par le service public de gestion des déchets. Cette méthode offre une solution pour les usagers ne pouvant composter eux-mêmes leurs biodéchets et elle est adaptable en fonction du contexte : points d’apport volontaire, points de regroupement ou tournées de ramassage en porte-à-porte, etc.
Camion de collecte de biodechets
Exemple d’un camion de collecte des biodéchets © Inddigo

C’est la typologie du territoire qui va déterminer la méthode à utiliser. Dans les zones urbaines très denses, il est plus difficile de démocratiser l’utilisation de composteurs et la collecte est facilitée par la proximité des habitations. En zone rurale, la gestion de proximité est privilégiée car les habitants sont dispersés et ont une grande utilité du compost produit. Les territoires intermédiaires combinent les deux méthodes pour répondre au mieux aux besoins de leur administrés.

# La méthode de traitement
Deux options de traitement des biodéchets collectés s’offrent aux collectivités :

  • Le compostage centralisé : les biodéchets peuvent être utilisés localement chez des agriculteurs pour amender le sol avec le compost obtenu ; ou être envoyés vers une plateforme industrielle de compostage
  • La méthanisation : la fermentation des biodéchets produit du biogaz qui peut être purifié avant d’être injecté sur le réseau ou transformé sous forme de chaleur et/ou d’électricité. Cette méthode permet aussi de fournir aux agriculteurs un fertilisant azoté qui enrichi leurs sols
Tas de biodéchets traités devant le centre de méthanisation
Exemple de centre de méthanisation à Munich ©Inddigo

Comme pour les méthodes de tri, le choix du type de traitement est complémentaire et dépend de la stratégie de la collectivité, ainsi que des infrastructures existantes sur le territoire.

# La maîtrise du coût du service public de gestion des déchets
Le volet économique constitue un frein pour de nombreuses collectivités. La maîtrise des coûts est donc un point essentiel dans le choix du scénario à suivre. L’investissement de départ représente un surcoût (installation d’unités de traitement, équipement du service de collecte et des usagers), parfois non négligeable, même si ces achats peuvent être subventionnés par l’ADEME. Les collectivités peuvent maîtriser leurs coûts grâce à une réflexion globale sur leur service actuel pour optimiser leurs autres collectes, comme celle des OMR.

Elles peuvent par exemple :

  • Réduire les fréquences de passage
  • Mettre en place des équipements bi-compartimentés pour collecter plusieurs flux
  • Passer à un système d’apport volontaire

Il est possible de mixer plusieurs scénarios afin de trouver des solutions pertinentes pour le territoire. Une fois que tout a été étudié et qu’un choix a été fait, il est temps de passer à la mise en œuvre grâce à un plan d’action :

  • Définition des actions à mettre en place
  • Définition des grandes échéances
  • Mise en place possible d’expérimentations
  • Aide à la rédaction de marchés
  • Accompagnement à la transformation du service

3️⃣ Pérenniser le tri à la source des biodéchets

L’accompagnement ne s’arrête pas lorsque la collectivité a respecté la date butoir de l’obligation règlementaire et mis en place son système de tri à la source. Il faut encore s’assurer de la pérennisation du service mis en place et de son appropriation par les habitants. De nouveaux gestes sont à intégrer et un changement de regard sur les biodéchets doit s’opérer. Cela passe par :

  • La communication (informations sur les consignes de tri, les modes de gestion proposés, la localisation des sites de compostage ou points d’apport volontaires)
  • La sensibilisation (explication des bénéfices du tri à la source des biodéchets)
  • L’animation dans les établissements (écoles notamment), autour des sites de compostage partagé, d’un réseau de relais de terrain
  • La formation régulière des élus, agents et relais de terrain
  • L’accompagnement des usagers tout au long de la pratique

Ces actions permettent d’embarquer tout le monde dans le projet, ce qui est essentiel pour sa pérennisation. Les habitants, les élus, les agents des collectivités, les établissements manipulant des biodéchets, les bailleurs, tous jouent un rôle crucial dans la réussite du projet. Les associations comme Réseaux Compost Citoyen ou Compost Plus, sont-elles aussi au cœur du processus. Elles sont au plus près du terrain, créent du lien et sont déjà actives sur les questions d’animation et de sensibilisation.

Il n’est cependant pas envisageable de miser uniquement sur le bénévolat. Certaines missions, comme les formations, sont régulières voire quotidiennes. En plus du matériel (composteur, site de compostage, bioseau, outil de brassage, etc.), il faut donc prendre en compte le coût annuel des moyens humains lors de la phase d’élaboration.

La règlementation qui s’appliquera dès la fin de l’année 2023 est un levier intéressant pour la démocratisation du tri à la source des biodéchets. Pour être pérenne et bénéfique, la mise en place du tri à la source doit être pensée en lien direct avec le territoire et ses habitants. L’accompagnement durant les phases d’étude puis lors de l’élaboration de scénarios passe donc pas un questionnement constant sur la collectivité et ses spécificités. Tous les acteurs sont à solliciter pour la réussite du projet. Elle dépend aussi de la collectivité, qui doit être force de proposition.

Inddigo travaille depuis plus de 20 aux côtés des collectivités pour élaborer leur stratégie de gestion des déchets, assister à la mise en œuvre opérationnelle, évaluer le fonctionnement et accompagner dans les changements d’organisation. Découvrez nos expertises et notre accompagnement sur notre site.


À lire également :

[1] Source : ADEME, 2017. MODECOM, Campagne nationale de caractérisation des déchets ménagers et assimilés, [https://librairie.ademe.fr/dechets-economie-circulaire/4351-modecom-2017-campagne-nationale-de-caracterisation-des-dechets-menagers-et-assimiles.html]

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