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Développer les mobilités alternatives dans les zones rurales : quelles solutions ?

Publié le : 1 juillet 2022
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Penser l’urbanisme et les mobilités à l’heure de la transition écologique et énergétique se joue aussi dans les territoires peu denses. L’essentiel est d’agir localement, en fonction du contexte et au plus près des besoins des populations. Quel avenir pour la mobilité rurale ? Quels outils mobilisables ?

À l’occasion d’un webinaire organisé le 11 avril dernier par le Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement de l’Ardèche (CAUE), Gwendal CARABOEUF, Consultant Territoires, Aménagement et Mobilités chez Inddigo a apporté son regard à différentes échelles sur les territoires ruraux. Nous vous proposons de revenir ici sur les pistes d’actions et les démarches inspirantes présentées tout en rappelant les leviers à lever pour faciliter le passage à l’action.

Mobilité et territoires peu denses, de quoi parle-t-on ?

Zones peu denses, territoires ruraux, campagnes : de quoi parle-t-on exactement ? Il existe beaucoup de termes pour définir ce concept parfois flou.

Une France des grands espaces

L’une des premières approches est de s’appuyer sur la classification faite par l’INSEE, basée essentiellement sur une grille de densité. Il en ressort une France divisée en 4 typologies de communes dont les zones peu denses et très peu denses forment la majeure partie. Cette vision créée aussi une grande distinction entre rural et urbain. Elle peut cependant être affinée par l’intégration de plusieurs variables : la distance par rapport aux métropoles, la part d’agriculture, la vocation des sols, etc. La carte est alors bien différente et très riche. Elle montre par exemple que les territoires de montagne, bien que ruraux, possèdent une forte attractivité touristique.

Plutôt que de parler d’une France des campagnes, il est possible à la suite de cette analyse de parler d’une France des grands espaces, contenant la moitié de la population française.

Sources : DREES, INRA UMR 1041 CESAER / UFC-CNRS UMR 6049 ThéMA / Cemagref DTM METAFORT, 2011, ING Tous droits réservés | Réalisation : Datar / CGET – Observatoire des territoires 2018

Des points communs

Les zones peu denses sont donc multiples, et la densité de population ne suffit pas pour les définir. Plusieurs points communs peuvent être observés :

  • L’arrivée de néo-ruraux, avec une dynamique et une attractivité grandissante des campagnes, certainement accentuée par la crise de la COVID
  • La difficulté à créer de la richesse localement, car une partie de la population continue à travailler en ville
  • Le « déséquipement » des campagnes et petites villes car les services publics, les zones d’emploi, les lieux d’étude et les administrations restent au cœur des grandes métropoles
  • L’importance de l’utilisation de la voiture

 L’empire de la voiture individuelle

Le point commun majeur de ces territoires est en effet la domination de la voiture individuelle dans les déplacements. Et ce, bien que 55 % des trajets domicile/travail effectués en milieu rural sont de 7 km. Plus généralement, la voiture domine en France, à l’exception de Paris. Qu’il s’agisse des grandes agglomérations, du péri-urbain ou de la périphérie, la voiture reste le mode de déplacement majoritaire. En moyenne, 63 % des déplacements sont réalisés en voiture en dehors de l’Île-de-France.

Source : Rapport d’information n° 313 (2020-2021) de M. Olivier JACQUIN, fait au nom de la délégation sénatoriale à la prospective, déposé le 28 janvier 2021

La prédominance de la voiture est donc un défi adressé à tous les territoires, et pas seulement aux campagnes. À la différence près que les zones peu denses disposent d’un bouquet de solutions de mobilité très restreint, qui reste à inventer.

Un bouquet de solutions à inventer pour modifier le paysage des mobilités

En matière de mobilité, c’est l’offre qui créée la demande. Partant de ce constat, il peut être intéressant de travailler en priorité sur l’offre existante, en la recensant et en la coordonnant. Bien qu’elle soit souvent significative elle est souvent non-organisée. Les transports collectifs classiques, comme les transports ferrés, les bus ou les cars, ont toute leur place dans les territoires peu denses. L’amélioration de l’offre avec notamment un travail sur la fréquence des passages peut déjà avoir un fort impact.

Ensuite, il peut s’agir de diversifier les solutions alternatives, individuelles ou semi-collectives. On peut par exemple penser aux Transports À la Demande (TAD), au covoiturage, à l’autopartage, à la marche, au vélo, etc. Articulés aux transports collectifs dans une offre plus souple et intermodale, ces nouveaux modes de déplacements sont efficaces dans un contexte de zone peu dense.

La démarche de déploiement d’une offre de mobilités alternatives doit permettre de repenser la mobilité en générale. Elle n’est en effet plus envisagée sous le prisme du mode mais comme un trajet d’un point A à un point B avec plusieurs modes de transports. Dans ce contexte, la voiture peut être imaginée comme un lieu social, une solution de mobilité partagée entre plusieurs utilisateurs.

Des initiatives inspirantes

Beaucoup d’initiatives se mettent en place dans ce sens au sein des territoires, autour de différentes solutions techniques. Le Bouquet de Mobilités Alternatives pour Tous (BOMAT) du Haut-Jura (accompagné par Inddigo) en est l’exemple. Plusieurs solutions ont été identifiées comme :

  • Des Infrastructure de Recharge de Véhicules Électriques (IRVE)
  • Un système d’autopartage avec des véhicules électriques
  • Un atelier de réparation participatif pour aider au déploiement du vélo
  • Le déploiement de stationnements sécurisés  pour les vélos. Positionnés à la fois en rabattement avec d’autres modes de transports mais aussi au niveau de pôles générateurs d’activités, comme des centres de loisirs.
  • La location de Vélos à Assistance Électriques (VAE) à 30 € par mois pour une offre d’une centaine de vélos
  • De l’autostop organisé. Ce système s’appuie sur une application pour mettre en relation les utilisateurs

Comme le montre l’exemple du BOMAT du Parc Naturel Régional du Haut-Jura, une partie de ces initiatives est possible grâce aux technologies numériques, qui ne sont pas réservées aux zones urbaines comme c’est encore trop souvent le cas. Elles se déclinent très bien en zone rurale par leur capacité à mettre en relation et à faire l’intermédiaire entre les utilisateurs. Le Grand Pic Saint-loup, accompagné par Inddigo dans l’élaboration de son Schéma de Cohérence Territorial et son Plan Global de Déplacements s’est d’ailleurs tourné vers ce genre de solutions pour mettre en place un système d’autopartage des véhicules communaux.

Pour les zones rurales avec ou sans problèmes de couverture réseau, il existe également beaucoup d’initiatives qui fonctionnent très bien sans numérique. Le site France Mobilités regorge d’ailleurs d’informations, de solutions, de projets et d’exemples. Il constitue une source d’inspiration vaste qui peut aider les territoires à trouver la bonne approche selon leur contexte et leurs besoins.

Finalement, qu’ils s’appuient sur une solution digitale ou non, c’est le lien social local, très présent dans les territoires peu denses, qui compte dans la réussite, la pérennisation et la montée en puissance de ces nouveaux services de mobilités alternatives. Il est aussi essentiel d’adapter ces solutions au territoire en proposant des offres sur mesure voire clés en main.

Mobilités et ruralité : quels sont les obstacles à lever ?

Certains projets de mobilités alternatives en zone rurale restent au stade d’expérimentation car il existe encore beaucoup d’obstacles à lever, et ce sur plusieurs plans.

Un paysage institutionnel à construire :

  • La multiplicité d’acteurs rend parfois difficile la bonne identification des rôles de chacun, bien que la Loi d’Orientation des Mobilités (LOM) soit venue cadrer les compétences de chacun.
  • Le besoin de coopération entre acteurs institutionnels, à travers notamment la création de contrats de mobilité pour définir sur quel périmètre chacun intervient
  • La nécessité de trouver la bonne échelle (Scot, PLUI-HD, bassins de mobilité) pour organiser les mobilités et garantir des synergies dans les politiques d’aménagement

Des moyens financiers et humains nécessaires pour porter les projets de mobilité :

  • La Loi d’Orientation des Mobilités (LOM) a commencé à aborder cette question avec la création du versement mobilité, une aide financière mais qui, par son calcul, ne se fait pas forcément au bénéfice des territoires peu denses
  • Les thématiques de plus en plus complexes techniquement demandent une expertise particulière. On observe d’ailleurs aujourd’hui une vraie structuration de l’ingénierie des mobilités qui émerge autour des Régions, mais aussi de la part des Pôles d’Équilibre Territorial et Rural (PETR) et des Parcs Naturels Régionaux (PNR)

Des flous techniques et juridiques :

  • D’un point de vue technique, l’absence d’aménagements sécurisés pour la marche ou le vélo est un vrai frein à la diversification des mobilités
  • Bien que la LOM ait traité un grand nombre des sujets juridiques, il existe encore des trous dans la raquette, comme le transport solidaire par des bénévoles, à l’image des « Buurtbus »au Pays-Bas

Des freins psychologiques et pratiques :

  • Il est aujourd’hui difficile de faire changer les mentalités autour de l’utilisation de la voiture. La culture automobile est encore très ancrée et combinée à un bon niveau d’équipement : tout est conçu autour de la voiture
  • Nous avons donc besoin d’une politique volontariste renforcée, notamment à travers une véritable communication pour la promotion des solutions alternatives. Une logique de prise de conscience avec des arguments de santé, économiques ou pratiques doit aussi être mise en place

Quel avenir pour la mobilité dans les campagnes ?

Il existe autant de territoires ruraux que de solutions de mobilités. Il est donc intéressant de se pencher sur plusieurs scénarios pour développer de nouvelles offres. Ces scénarios peuvent bien entendu se combiner ou s‘additionner.

La démobilité associée à une meilleure accessibilité des services est une première piste. La crise COVID nous a permis de développer des stratégies pour moins se déplacer. Cette mobilité frugale passe notamment par des services comme la livraison à domicile et en points relais, la numérisation des services publics ou leur itinérance. Bien qu’il ne concerne qu’une partie de la population, le télétravail est aussi une solution pour réduire les déplacements (presque 80 % en moins durant la pandémie). La démobilitié peut fonctionner mais se fait parfois en contradiction avec d’autres pratiques.

Un autre scénario peut venir des mobilités enrichies. La voiture, qui jusqu’à présent est considérée comme le couteau suisse des mobilités, a un coût économique élevé pour l’usager et un coût écologique pour la société. Développer des offres de mobilité riches, multiples et agiles permet de contrer le recours à la voiture tout en répondant à la demande des habitants. L’enrichissement de l’offre de mobilité permet aussi un accompagnement après des publics les moins agiles. Ce scénario se base sur l’idée que la diversification des modes créée une cohésion sociale bénéfique à tous les habitants.

Ces évolutions possibles se pensent dès maintenant, avec une vraie politique de planification. Limiter l’étalement urbain pour réduire les déplacements et rester dans une logique de ville du quart d’heure est essentiel. La diversification des mobilités va aussi de pair avec une diversification de l’usage des espaces et des zones d’habitations plus proches des centres historiques, des services et des activités. Les Plans de Mobilité Ruraux ont toute leur place dans cette stratégie.

La transformation des mobilités en territoires peu denses résumée en 6 points clés

Les zones peu denses représentent une grande partie du territoire et ont des typologies très diverses. Bien que la voiture soit encore le moyen de transport le plus utilisé, de nombreuses initiatives et expérimentations se mettent en place, pour proposer un bouquet de mobilités alternatives. La transformation des mobilités est donc possible en plus d’être souhaitable, et peut-être résumée en 6 points clés :

  • Cette transformation s’appuiera sur les changements sociologiques et technologiques
  • L’expérience du confinement avec la crise de la Covid-19 a fait prendre conscience que d’autres modes de vie sont possibles et que certains déplacements peuvent être évités
  • Il est inenvisageable de transformer en profondeur les mobilités du quotidien sur ces territoires sans y mener une politique publique structurée à la bonne échelle
  • La voiture est utilisée dans plus de 80 % des transports du quotidien, il convient de socialiser pour partie sa pratique
  • Mieux organiser dans une logique intermodale, le rabattement vers les modes de transport collectif classiques
  • Cette transformation nécessite une ingénierie adaptée et des moyens financiers

Une mobilité moderne et décarbonée est possible, y compris pour les espaces peu denses, en s’appuyant sur le triptyque « proximité, intermodalité, accessibilité ». C’est en s’appuyant sur cette vision qu’Inddigo accompagne les collectivités dans leur stratégie générale d’aménagement de leur territoire. ➡ Découvrez-en plus sur nos expertises.

[1] Les Buurtbus sont un système de minibus conduits par des personnes volontaires, quelques heures par semaine.


Accédez au replay du webinaire organisé par le CAUE d’Ardèche le 11 avril 2022 ⬇

Cliquez sur l’image pour accéder au replay du webinaire

Autour de la table :

  • Gwendal CARABOEUF, Consultant Territoires, Aménagement et Mobilité chez Inddigo
  • Nicolas SENIL, Géographe au Cermosem
  • Francis CLAUZEL, Président de l’association « Roule ma Poule »
  • Anne-Sophie HENNION, Chargée de mission à l’ALEC

Cette présentation est basée sur le Rapport d’information n° 313 (2020-2021) de M. Olivier JACQUIN fait au nom de la délégation sénatoriale à la prospective.


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