Est-ce le rôle des collectivités d’encourager le déploiement des nouvelles motorisations ? Quels outils sont à leur disposition ? Quels exemples concrets peuvent-elles prendre comme modèles ?
A l’occasion des Assises Européennes de la transition énergétique, Guillemette PINAROLI, Consultante Territoires, Aménagement & Mobilités chez Inddigo, a animé une table ronde avec plusieurs acteurs des territoires. Nous vous proposons de vous rapporter ici les points à retenir de ces échanges.
Autour de la table :
- M Christian HECTOR, Directeur Général des Services Techniques de la Communauté d’Agglomération Sarreguemines Confluences, autorité organisatrice de la mobilité (AOM) sur le territoire
- M Christophe PROVOT, Directeur général du Sigeif, Syndicat intercommunal pour le gaz et l’électricité en Île-de-France – Établissement public de coopération intercommunale
- Mme Géraldine PALOC, Enedis
- Maître Xavier LOIRÉ, Avocat
- M Jean Marc RASCHIA, journaliste
- Guillemette PINAROLI, Consultante chez Inddigo et animatrice des échanges
#1 Les objectifs de la France pour développer la mobilité électrique sont ambitieux mais réalistes
Maître Xavier LOIRÉ rappelle que l’État souhaite développer les motorisations alternatives et ambitionne l’installation de 100 000 bornes de recharges de véhicules à fin 2021.
Le Plan de Relance prévoit notamment 100 millions d’euros affectés à la mise en place d’Installations de Recharges de Véhicules Électriques (IRVE) avec une possibilité de prise en charge du financement des projets à hauteur de 40 %.
Le cadre règlementaire apporte des outils pour que les collectivités prennent part à l’atteinte de ces objectifs, à travers notamment des démarches pour réduire les émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) sur leur territoire.
En parallèle, la vente de véhicules électriques augmente comme le rappelle Mme Géraldine PALOC, avec une hausse de 160 % en 2020. Même si 80 % des recharges se font actuellement à domicile, ce nouveau marché doit s’accompagner du développement d’infrastructures dans les territoires.
#2 Le cadre juridique propose de nombreux outils aux collectivités pour encourager la maitrise de l’énergie de la mobilité
Les politiques d’incitation à destination des collectivités se matérialisent dans les documents de planification depuis plusieurs années. L’atteinte des objectifs de baisse des émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) passe par une maîtrise des émissions du secteur des transports. Rappelons que 30 % des GES proviennent de celui-ci.
- Les directives européennes incitent à améliorer toutes les consommations d’énergie.
- La Loi sur l’Air et l’Utilisation Rationnelle de l’Energie du 30 décembre 1996 (Loi LAURE) introduit les Plans de Protection de l’Atmosphère (PPA) pour améliorer la qualité de l’air. Les moyens de transports et leur motorisation sont directement concernés par le dispositif.
- La loi relative à la Transition Énergétique pour la Croissance Verte (LTECV) de 2015 a renforcé le rôle des collectivités territoriales dans la lutte contre le changement climatique via les Plans Climat Air-Énergie Territoriaux (PCAET).
- La loi Énergie-Climat de 2019 fixe l’objectif de neutralité carbone en 2050. Elle permet notamment aux autorités organisatrices de la distribution de l’électricité de percevoir des aides pour la réalisation d’actions en faveur de la maîtrise de l’électricité dans les communes rurales.
Maître LOIRÉ rappelle que les textes prévoient davantage des opportunités pour les collectivités (bénéficier de subventions ou encore d’un cadre légal pour mettre en place des actions) que des obligations. Toutefois, il convient d’en citer quelques-unes, induites par la Loi d’Orientations des Mobilité de 2019 (loi LOM) :
- Les Zones à Faibles Emissions (ZFE) seront obligatoires à compter du 31 décembre 2020 sur les territoires où les normes de qualité de l’air ne sont pas respectées.
- Les collectivités doivent équiper leur flotte de véhicules verts à hauteur de 10 % au 1er janvier 2022.
- Des emplacements doivent être réservés pour des installations de recharge de véhicules dans les nouveaux parkings à construire.
#3 Les collectivités peuvent transférer leurs compétences mobilité
Les communes qui avaient historiquement la compétence mobilité peuvent la transférer aux Établissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI), aux Régions, ou à des autorités organisatrices de la distribution de l’électricité (comme le SIGEIF). La Loi d’Orientation des Mobilités programme d’ici le 1er juillet 2021 la couverture intégrale du territoire national en Autorités Organisatrices de la Mobilité (AOM), à l’image de la Communauté d’Agglomération Sarreguemines Confluences.
Le seul cas où la collectivité doit garder sa compétence mobilité est s’il s’agit d’une métropole.
Cette possibilité de transfert de compétences permet de construire un bassin de mobilité et d’intermodalité à une échelle adaptée aux territoires. L’idée est de trouver, comme le rappelle Maitre Xavier LOIRÉ « le meilleur niveau d’exercice de la compétence ou de collaborer pour trouver la meilleure solution ».
#4 Les partenariat publics-publics et publics-privés sont un levier essentiel pour une mobilité plus sobre en énergie
La coopération public-public est une piste pour encourager la mobilité propre. Les détenteurs de toutes ces compétences peuvent décider d’échanger, à l’image de la Communauté d’Agglomération Sarreguemines Confluences qui a pris contact avec les communes voisines allemandes pour développer une mobilité transfrontalière propre et proposer l’utilisation des bornes de son territoire.
Sur les différents documents de planification, tel que le PCAET, Maître Xavier LOIRÉ rappelle que des projets peuvent se greffer. Ces projets permettent aux acteurs publics d’initier des mouvements en réunissant d’autres acteurs publics mais également des acteurs privés qui pourraient être sollicités à s’engager économiquement.
C’est également le cas de la Communauté d’Agglomération Sarreguemines Confluences qui a suscité des initiatives privées. « C’était aussi l’objet de notre action ne pas faire ça dans notre coin et d’essayer de rebondir sur ce que les opérateurs économiques peuvent proposer » souligne M. Christian HECTOR. Beaucoup d’entreprises ont participé aux nombreux ateliers de concertation organisés par la collectivité et lorsqu’il a fallu passer à l’action « ça s’est fait naturellement ». « Une entreprise s’est lancée en 2012 dans du transport électrique vert, puisque nos bornes sont alimentées par de l’électricité verte, il avait à l’époque un véhicule et il en a maintenant une vingtaine. Çà a vraiment bien marché. »
Mme Géraldine PÄDOC a d’ailleurs souhaité partager une certitude, « celle qu’on ne réussira pas tout seul ». « Chacun d’entre nous et chacun des projets qui a été partagé dans cette table ronde a réussi parce que justement, il est le fruit de partenariats entre les territoires, entre des acteurs publics et des acteurs privés. »
#5 La collectivité a un rôle d’exemplarité
Sarreguemines est un exemple à suivre mais tous les acteurs qui peuvent se positionner en tant que chef de file de la mobilité alternative peuvent impulser des initiatives.
Le SIGEIF, un Établissement Public de Coopération Intercommunale a vu la première station qu’il a financé entièrement être rachetée par une Société d’Economie Mixte (SEM). Monsieur PROVOT souligne que depuis l’intervention de la SEM, le secteur privé s’est emparé rapidement du sujet.
Les initiatives menées dans les territoires par les collectivités dans le cadre de leurs documents de planification et de leur stratégie d’aménagement, soutenues par des financements publics, laissent souvent le relais à des initiatives privées.
#6 Plusieurs énergies peuvent composer le mixe énergétique d’un territoire
Pour Christian HECTOR, « il n’y a pas de sens à mettre les énergies en compétition ». Il faut utiliser tous les outils possibles pour la transition énergétique. Il faut être très en phase avec les usages sur son territoire. À la suite des ateliers de concertation menés par la collectivité, il est apparu la nécessité de mettre en place une Installation de Recharge pour Voiture Électrique (IRVE) pour 3 000 habitants. Pour la mobilité lourde, le Gaz Naturel pour Véhicules (GNV) et le bio-GNV sont préférés. Sarreguemines a également déployé un démonstrateur hydrogène et une station multi-énergies.
Pour Géraldine PALOC « La mobilité durable de demain et d’après-demain ne sera pas uniquement électrique » le gaz, le biogaz, l’hydrogène constitueront des solutions pertinentes pour le transport lourd ou de forte puissance. Enedis accompagne déjà des territoires sur des projets de production d’hydrogène vert et pour l’installation d’électrolyseurs nécessaires à sa production. « La mobilité durable doit être connectée à la production d’énergies renouvelables ».
Enfin, comme le souligne Maître Xavier LOIRÉ « La mobilité ne concerne pas uniquement les énergies de types carburants mais aussi l’énergie humaine ! ». La mobilité douce doit aussi faire partie intégrante des réflexions.
Le replay de la table ronde
Si vous souhaitez des exemples concrets de réussite et en savoir plus sur les initiatives des intervenants pour développer la mobilité propre, les IRVE, le bio GNV ou l’hydrogène, regardez dès à présent le replay de la conférence.