Samarcande filiale d’Inddigo pilote un projet de Recherche & Développement disruptif pour optimiser les flux logistiques en Région Parisienne et diminuer leur impact environnemental.
Nathalie MATTIUZZO, Directrice d’étude pour Samarcande revient dans cet article sur la genèse du projet et les défis auxquels il doit répondre.
Pour un RER multimodal fret
Le projet « Un nouveau réseau de plates-formes logistiques multimodales dans la Vallée de la Seine – pour un RER multimodal fret » a été un des lauréats de l’AMI « Transition vers des solutions durables pour le transport de personnes et de marchandises » initiée dans le cadre du Contrat de Plan Inter-régional Etat-Régions Vallée de la Seine. Il a été financé et soutenu par l’ADEME, les Régions Ile-de-France et Normandie, les Conseils départementaux de l’Eure et des Yvelines, Haropa et SNCF Réseau. Il est réalisé par un groupement piloté par Samarcande Transport-Logistique-Territoire (filiale d’Inddigo) et associant l’Agence d’Urbanisme de la région du Havre et de l’Estuaire de la Seine, le cabinet d’architecture Daquin-Ferrière, TKBlue, et les experts Bruno VIALLON et Michel SAVY.
Ce projet propose un modèle de services intermodaux (fluviaux et ferroviaires) articulés autour de plates-formes logistiques faisant système au bénéficie de supply-chains plus vertueuses et d’un rééquilibrage de la logistique sur la Vallée de la Seine. Il part de plusieurs constats :
- Le transport de marchandises et la logistique souffrent d’une insuffisante prise en compte de leur caractère stratégique et de leur importance pour le fonctionnement des territoires et de leurs tissus économiques. Contrairement à la mobilité des personnes, ils ne bénéficient d’aucune autorité organisatrice et n’ont pas donné lieu à une véritable réflexion stratégique globale.
- Du point de vue des acteurs économiques, la logistique au sein de la Vallée de la Seine fonctionne. Mais cette addition de rationalités individuelles est porteuse d’une vision en silo qui favorise très largement l’usage de la route. Pourtant, le fret et la logistique ont un impact considérable sur la dynamique économique, l’environnement et les populations. Ils doivent répondre à des défis majeurs de plateformisation et de réduction de l’artificialisation, de reconnexion des zones de desserrement logistique et de logistique en zone dense, d’accroissement de la compétitivité des ports français, de transition énergétique et de report modal, d’optimisation de la logistique urbaine et du dernier kilomètre qui doit par ailleurs être appréhendée comme le dernier maillon d’une chaîne globale complexe et souvent mondialisée et pas uniquement comme une « logistique du quartier ».
Un projet disruptif et innovant
Le projet que nous avons mené vise donc trois objectifs majeurs :
- Répondre aux besoins des supply-chains,
- Accroître les reports modaux,
- Rééquilibrer la logistique sur l’axe Seine.
Il est à la fois disruptif car il se fonde sur des innovations techniques et organisationnelles et implique une autre manière d’appréhender le desserrement logistique francilien, jusque-là réalisé majoritairement à l’Est de l’Ile-de-France. Ce projet est aussi incrémental car il vise à capter des trafics qui ne sont actuellement pas captés par les offres fluviales existantes sans concurrencer ces offres qui conservent toute leur pertinence.
En s’appuyant sur des innovations émergentes (expérimentations et réflexions sur des péniches fonctionnant en convoi) nous avons construit un modèle de services fluviaux permettant de mieux pénétrer le dispositif logistique francilien. La taille des péniches permettant des arrêts pour des volumétries inférieures à celles captées par les grandes unités fluviales. Et ce pour des produits diversifiés : chaque péniche pouvant correspondre à un type de trafic. Il était dès lors possible d’envisager que des caisses de livraison ou des véhicules de livraison urbains (à énergie propre) pouvaient être préparés en amont de l’Ile-de-France et acheminés par le mode fluvial jusque dans Paris ou en petite couronne où ils « descendaient » de la péniche pour desservir l’urbain dense ou des pôles commerciaux.
Le corollaire de cette organisation – telle que nous l’avons envisagée et qui demeure à ce stade un modèle de recherche – consiste à développer sur l’axe Seine des sites logistiques multifonctions réalisant des préparations de commandes fines. L’objectif ici est de valoriser les sites existants et donc de réduire l’artificialisation. Les ports fluviaux de l’axe Seine deviennent alors des lieux propices à l’implantation de telles vocations qui ancrent ces sites comme de véritables points de création de valeur et de développement économique, comme des outils de plateformisation de la logistique et comme des vecteurs du développement de « ports aménageurs » mixant les fonctionnalités de transbordement (route-fleuve) et celles d’implantation d’activités logistiques. Le modèle contribue ainsi également au rééquilibrage du territoire et à l’optimisation de chaînes logistiques qui relèvent aujourd’hui d’un fonctionnement qui– a minima – doit interpeller la collectivité (avec un passage obligatoire par l’est francilien y compris pour desservir un point de vente situé à l’Ouest).
La construction du modèle
- Des terminus : hubs qui concentrent les fonctions de sites de consolidation de navettes, de chargement/déchargement, et de plate-forme logistique ;
- Des plates-formes logistiques associées : arrêt des navettes et offres d’un traitement logistique des marchandises en entrepôts ;
- Des stations : arrêts de la navette ;
- Des stations urbaines de chargement/déchargement et de desserte de la zone urbaine dense (dernier km), par véhicules routiers à pollution réduite (éventuellement embarqués).
Des conteneurs, caisses et véhicules de livraison montent donc dans les péniches dans des hubs et descendent sur des stations situées au cœur de la zone dense et/ou du dispositif logistique francilien.
Certains de ces sites existent déjà, d’autres sont en projet ou à créer.
Un changement radical de modèle
Le projet constitue un changement assez radical de modèle qui implique de réinventer les chaînes actuelles, alors que le recours aux modes alternatifs à la route n’est pas ou peu valorisé. Il engage donc durablement les chargeurs et leurs organisations dans un environnement contraint par la volatilité des marchés et une faible visibilité. Travaillant en silo tant en interne (la logistique est souvent isolée), qu’en externe (peu de collaboration), les entreprises adhèrent au schéma de principe mais peinent à sauter le pas, même si cela peut créer de la valeur logistique.
Les prestataires et les transporteurs sont pour leur part enclins à réfléchir à de nouvelles solutions mais subissent une forte pression sur le coût. De sorte qu’il apparaît évident que le projet (mais plus globalement l’ambition d’accroissement des reports modaux) doit être accompagné par les acteurs publics et par une politique forte en faveur de l’intermodalité.
Les réflexions sur le modèle se poursuivent et nous réfléchissons également à sa reproductibilité sur d’autres axes et notamment sur l’axe Rhône-Saône.