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Mettre en œuvre les low-tech dans les bâtiments collectifs

Publié le : 4 avril 2023
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Comment intégrer des low-tech à l’échelle d’un bâtiment collectif ? Quelles low-tech employées à titre individuel sont propices aux usages collectifs, et comment les adapter ? Comment donner la possibilité aux usagers de s’en emparer et de s’impliquer dans le processus de mise en œuvre ?

 

Elsa Donadio, et Loïc Deville, tous deux experts Bâtiment, Énergies & Climat chez Inddigo, nous parlent des recherches qu’ils mènent sur les systèmes low-tech dans les bâtiments. Ces recherches s’intègrent dans le cadre d’un projet de R&D mené par Inddigo sur la contribution des low-tech à la sobriété territoriale.

Des low-tech pour des usages aujourd’hui essentiellement individuels

Les low-tech sont principalement utilisées par les habitants qui souhaitent répondre à leurs besoins de manière ingénieuse et sobre au sein de leur foyer. Il existe actuellement peu de low-tech mutualisées à l’échelle d’un bâtiment collectif, par exemple au sein d’une copropriété, de bureaux ou bien d’établissements scolaires, où nous passons pourtant une importante partie de notre temps.

Un « concept » récent, assez flou, qui s’appuie pourtant sur des pratiques anciennes

Avant de rentrer dans le vif du sujet, il convient de rappeler ce que sont les low-tech, même si les contours de ce « concept » sont assez difficiles à posés et ne font pas l’objet d’une définition consensuelle ou institutionnelle. Le terme « low-tech » est né dans les années 70 aux États-Unis en opposition aux « high-tech » avec la volonté de replacer l’Humain au centre de la technique. Des penseurs comme Lewis Mumford ou Ivan Illich ont remis en question les hautes-technologies au profit de solutions non sophistiquées, simples, démocratiques et conviviales.

Il a fallu attendre une quarantaine d’année pour que le terme soit importé en France et popularisé dans les années 2010 par le livre « L’âge des low-tech » de l’ingénieur Philippe Bihouix et par le Low-tech Lab, une association implantée à Concarneau, qui a depuis largement contribué à promouvoir le « concept » avec son crédo « Donner l’envie et les moyens de faire mieux avec moins ». Le Low-tech Lab a notamment mis en place une plateforme de documentation collaborative pour permettre l’autoconstruction  de low-tech et le partage des savoir-faire.

Selon le Low-tech Lab, les low-tech répondent à 3 critères : elles sont utiles (elles répondent aux besoins nécessaires), accessibles (en termes de coûts et de savoir-faire) et durables (économes en ressources avec un impact environnemental moindre).

Il est difficile de déterminer si un système est intrinsèquement low-tech et incarne pleinement ces 3 critères. Il faut donc comprendre le terme low-tech comme une notion relative (par exemple : le vélo est plus low-tech que la voiture mais moins low-tech que la marche à pied). Le terme low-tech reprend parfois des techniques ancestrales et les remet au goût du jour (par exemple le frigo du désert). De nombreuses low-tech s’inspirent aussi de solutions bricolées dans un milieu contraint, de « Systèmes D » où des citoyens font preuve d’ingéniosité pour répondre à leurs besoins avec ce qu’ils ont à portée de main. Les travaux du Low-tech Lab ont permis de recenser et de regrouper sous une même appellation ces technologies simples qui existaient sans être nommées « low-tech ».

Cependant, le concept de low-tech ne se cantonne pas à des systèmes ressortis du passé ou bricolés. Des regards neufs ont permis d’apporter des outils et des méthodes innovantes et plus adaptées, en repensant nos activités dans une logique de sobriété et de résilience. Il s’agit d’une réelle philosophie, un pied-de-nez au tout-technologique, où l’humain est remis au centre de la technique et où chacun peut se réapproprier les savoir-faire pour apprendre à construire un objet qui lui sera utile.

Ce qui est sûr, c’est que les systèmes dits low-tech sont aujourd’hui utilisés surtout pour des usages individuels par des particuliers : un système de récupération de pluie pour arroser le jardin ou des toilettes sèches pour une maison individuelle.

L’application aux bâtiments collectifs : un intérêt grandissant

Les low-tech suscitent un grand intérêt, et c’est tant mieux ! Le rêve du bâtiment intelligent ultra connecté s’effrite de plus en plus en raison de son coût d’installation et surtout de la lourdeur de l’entretien et de la maintenance nécessaire. La demande évolue, particulièrement pour les collectivités qui recherchent des alternatives plus accessibles et moins contraignantes. Les low-tech apparaissent comme pertinentes car elles constituent des solutions plus simples, qui permettent aux collectivités de reprendre contrôle sur ses installations en facilitant la maintenance par les équipes techniques.

Les premiers acteurs à s’être emparé du sujet sont le milieu associatif et les particuliers. Mais très récemment des bureaux d’études et des grands groupes de construction ont montré leur intérêt pour ces solutions plus vertueuses et économes. Groupama a par exemple annoncé en 2022 la conception du premier immeuble low-tech de Paris. Bouygues Construction, à travers sa filiale Elan, communique sur son implication auprès de l’association Low-tech Building pour l’élaboration d’un label.

Enfin, l’ADEME s’empare du sujet. Son étude « Démarches low-tech » publiée en mars 2022 a permis de proposer une définition ADEME et d’identifier des critères.  Une formalisation qui s’avère nécessaire pour éviter les dérives, différencier les véritables engagements des actions que l’on pourrait qualifier de « low-tech washing ».

Quels sont les systèmes low-tech « matures » à l’échelle collective ? Quels sont les systèmes low-tech existants à l’échelle individuelle qui pourraient s’adapter à l’échelle collective ?

Même si nous avons identifié quelques initiatives intéressantes, la bibliographie qui présente les systèmes low-tech est encore assez pauvre. Un opérateur, que ce soit un maître d’ouvrage ou un maître d’œuvre, rencontrera des difficultés pour accéder à un catalogue exhaustif listant des solutions et détaillant leurs intérêts et contraintes de mise en œuvre technique et sociale.

Notre démarche de recherche passe donc d’abord par la réalisation d’un état de l’art qui aboutira sur la conception d’un catalogue de solutions low-tech pour les bâtiments. Dans le but de produire ce document, nous avons travaillé avec Grenoble INP et des étudiants en « Ingénierie Sobre, Techno et Éco-Responsable » (filière PISTE).

Emma Demarey-Williams, Romain Dumont, Suzie Menetrier, Laurine Quibbert, Yannis Rosset sous le tutorat de Sacha Hodencq (PISTE) et d’experts Inddigo se sont d’abord attelés à réaliser un descriptif des besoins spécifiques liés à l’usage des bâtiments, avant de recenser un ensemble de solutions existantes et disponibles.

Caractéristiques du bâtiment low-tech – Rapport projet d’intégration des Low-Tech dans les bâtiments collectifs – 2023 – ENSE3 | CC-BY

 

Catalogue low-tech

 

 

Le catalogue, en cours de finalisation, comparera notamment des solutions low-tech avec des systèmes traditionnels sur 3 critères : environnemental, économique et usage. On y retrouvera des systèmes répondant aux multiples besoins des bâtiments et de leurs habitants : avoir accès à la lumière, respirer un air sain, se laver, laver ses affaires, avoir accès à une température convenable, traiter les déchets humains ou produire de l’énergie.

Parce que l’un des piliers des low-tech, est l’accessibilité, nous aurons à cœur de diffuser largement ce catalogue quand il sera abouti. D’ici là, si vous souhaitez contribuer au recensement des solutions disponibles, vous pouvez nous proposer des solutions en nous écrivant à l.deville@inddigo.com.

 

 

Concrètement, comment mettre en œuvre des solutions low-tech dans un bâtiment collectif ?

Avec les étudiants, nous nous sommes penchés sur l’intégration de plusieurs systèmes low-tech sur un projet d’habitat participatif de 20 logements durables en coopérative, la COOP Etoile à Annemasse (74).

Repenser les besoins étant au cœur de la démarche low tech, les futurs habitants et le bureau d’architecture Tekhnê ont été associés très en amont pour avoir une vision globale du projet et identifier au mieux les besoins des usagers et les contraintes liées à son contexte.

Sur ce projet, les habitants ont entre autres mis en avant le souhait d’optimiser la gestion des déchets, la gestion de l’eau et de manière générale limiter leur impact environnemental. Pour choisir les solutions low-tech, les critères décisifs sont pour eux, dans l’ordre, l’aspect financier, l’impact environnemental et enfin, les contraintes d’usages.

Parmi les solutions proposées, on note par exemple, des toilettes sèches intégrables sur certains foyers et dans les communs, des systèmes de récupération d’eau de pluie avec pompe manuelle pour alimenter les potagers en toiture terrasse ou encore la suppression des moteurs des brises soleil orientables mécanisés.

Vue en coupe 3D montrant les principales caractéristiques du bâtiment avant intégration des propositions de systèmes Low Tech
Vue en coupe 3D montrant les principales caractéristiques du projet COOP Etoile réalisée par Tekhnê, avant intégration des propositions de systèmes Low Tech

Les solutions potentielles sont nombreuses (et à découvrir bientôt dans le catalogue). Pour les intégrer dans un projet d’habitat collectif, il est essentiel de prendre en compte le projet lui-même et ses contraintes normatives dès l’étape de conception. Pour un projet « le plus low-tech possible », avec un moindre recours à des solutions consommatrices de ressources, il est très important d’embarquer les usagers. Sur le projet de Coop Etoile, les étudiants ont pu échanger avec les habitants en amont du projet pour être au plus près de leurs besoins tout en intégrant leurs éventuels freins. Sur des opérations immobilières ouvertes à l’accession, il sera indispensable de dialoguer avec les futurs habitants sur les usages.

Les low-tech au service de la sobriété territoriale

Nos travaux de recherche vont plus loin et n’abordent pas uniquement les systèmes applicables aux bâtiments. Une démarche low-tech, prévoit d’appliquer les 3 critères « utilité », « accessibilité » et « durabilité » aux services, savoir-faire, pratiques et modes de vie.

Inddigo coordonne avec l’ADEME et le Low-tech Lab une expérimentation de terrain auprès de 20 organisations de l’agglomération de Concarneau Cornouaille pour démontrer l’intérêt innovant des low-tech au service de la sobriété territoriale et identifier les conditions de leur mise en œuvre. Cette expérimentation est réalisée avec le soutien de l’ADEME Bretagne, la Région Bretagne et Concarneau Cornouaille Agglomération. En savoir plus sur cette expérimentation « Low-tech au service de la sobriété territoriale ».

 

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