Chaque année, les français produisent près de 550kg de déchets par habitants selon l’ADEME. Et s’il était possible de réduire drastiquement le poids de nos poubelles tout en faisant des économies ? Claire POIRIER, adepte du mode de vie zéro déchet et créatrice du blog SAKAIDE nous a accordé un entretien pour nous donner ses astuces et nous raconter comment elle a réussi à réduire de 97% les déchets résiduels de sa famille en l’espace de 5 ans.
Depuis combien de temps êtes-vous engagés dans un mode de vie zéro déchet ? Quel a été le déclic ?
Tout d’abord, pour moi le mode de vie zéro déchet est une démarche progressive. Il est donc difficile de dire à quel moment cela a commencé. Quand on s’engage dans ce mode de vie, on change nos habitudes petit à petit et on se rend compte à partir d’un certain temps, en se remémorant nos actions passées, qu’on a véritablement bouleversé nos pratiques.
Chez nous, cette démarche a été facilitée car dans notre famille, nous avions déjà des considérations environnementales ancrées. J’ai moi-même fait des études environnementales et nos parents nous avaient transmis des gestes de base comme le tri et le compostage. Nous avions donc déjà adopté des petits gestes.
Mais le premier grand déclic a eu lieu au moment de la naissance de notre fille, en 2011. A cette époque, des amis nous ont fait découvrir les couches lavables (pour en savoir plus, découvrez notre article sur les changes lavables) pour lesquelles j’avais une image négative du fait du vécu de ma mère. Mais j’ai très vite été convaincue car ils nous ont montré un objet qui avait énormément évolué depuis et qui était à la fois pratique, écologique et économique. Début 2012, nous nous sommes donc lancés dans l’utilisation de ces couches pour notre fille et nous avons fait près de 1 300€ d’économie.
Nous sommes ensuite entrés dans un engrenage qui nous a fait nous questionner sur notre mode de vie d’un point de vue général. Nous avons alors profité de mon congé parental pour mettre en place de nouvelles habitudes (cuisiner maison, confectionner nos produits ménagers et nos cosmétiques, etc.). Nous avions envie de redécouvrir les produits que nous utilisions au quotidien et étions soucieux de leur composition.
En ce qui concerne les déchets d’un point de vue global, la question est vraiment entrée dans notre famille en 2013 au moment de la mise en place de la redevance incitative sur notre territoire. Nous nous sommes alors rendu compte que le coût de collecte et de gestion de nos déchets allait être conséquent. C’est pourquoi, nous nous sommes tournés vers des astuces pour réduire notre production de déchets comme le tri et le compostage systématique.
Ensuite, fin 2013, j’ai lu le livre de Béa Johnson intitulé Zéro déchet 100 astuces pour alléger sa vie, qui m’a fait prendre conscience que notre mode de consommation est la cause de la production de nos déchets. Ainsi, si nous ne voulons pas avoir à gérer des déchets nous devons donc tout simplement consommer autrement.
Nous avons alors mis en place différents gestes :
- Achat en vrac
- Optimisation du recyclage
- Réduction de notre consommation
- Achat d’occasion
- Réparation des objets
- Suppression des consommables jetables
Aujourd’hui, pour moi le socle de ce mode de vie est de consommer uniquement ce dont on a besoin. Il est donc primordial de réévaluer nos besoins.
J’aimerais insister aussi sur le fait que ce mode de vie prend du temps car il faut changer ses habitudes en profondeur. Il ne faut donc pas vouloir tout changer trop vite. De notre côté, nous avons constaté des résultats conséquents en l’espace de 5 ans, nous sommes ainsi passés de 27 conteneurs d’ordures ménagères en 2011 à 1 seul en 2016.
Est-ce qu’il a été difficile de convaincre votre entourage ?
Dans ma famille c’est moi qui m’occupe des achats, au début de ma réflexion, nous avons eu une conversation avec mon mari pour savoir s’il voyait des inconvénients à la réduction de nos déchets et il a bien sûr été d’accord.
Nous avons alors débuté par l’alimentaire pour ensuite englober le reste.
Mes filles étaient très jeunes quand on a démarré donc ces gestes ont été très naturels pour elles. Elles ont toujours vécu dans ce mode de vie.
Là où ça a nécessité un peu plus d’accompagnement c’est pour mon fils qui avait 12 ans au moment des plus grands changements. Cela a donc été plus compliqué. Pour le convaincre, je l’ai amené avec moi faire les courses alimentaires et je lui ai dit qu’il avait le droit de prendre ce qu’il voulait à partir du moment où c’était en vrac. Mon objectif était de lui montrer qu’on pouvait avoir ce qu’on voulait en vrac et qu’il pourrait donc continuer à consommer ce qu’il aime. Le mode de vie zéro déchet entraine ainsi peu de frustration à partir du moment où on sait où aller.
Le plus compliqué aujourd’hui est pour l’habillement car à partir d’un certain âge, il est plus difficile de trouver des vêtements d’occasion notamment quand on habite loin des grandes villes où se concentrent majoritairement les magasins de seconde main. Aujourd’hui, nos vêtements sont achetés à 80% d’occasion et à 20% neuf. Le plus compliqué est pour les sous-vêtements que je continue à acheter neuf.
Quels sont selon vous les 3 gestes à mettre en place pour se lancer ?
Je vous propose trois gestes assez simples à mettre en place et qui vous permettront rapidement de mesurer vos premiers résultats :
- Poser un stop pub : Ce geste permet de réduire de 40 kg le poids de papier présent dans la poubelle d’un foyer. Il me semble être très accessible et facile à mettre en œuvre pour un résultat rapidement observable. Bien que le papier soit recyclable, il est très intéressant de réduire ces déchets. En effet l’acheminement et le recyclage de ces papiers, qui ne me semblent pas indispensables au quotidien, consomment beaucoup d’énergie et est générateur de gaz à effet de serre.
Pour aller plus loin dans cette démarche, il est également possible de renvoyer les publicités adressées. Il suffit de ne pas ouvrir l’enveloppe, de rayer l’adresse et de mentionner sur l’enveloppe « refuser ». Avec cette pratique nous avons vu rapidement réduire ces courriers publicitaires adressés.
- Installer un composteur : Les déchets fermentescibles représentent 30 % de nos poubelles. Il s’agit de déchets très humides (en moyenne, 70 % d’eau dans les fruits et légumes). Ils sont donc difficiles à brûler et demandent beaucoup d’énergie aux centres d’incinération. Les mettre en centres d’enfouissement génèrent également des gaz à effet de serres (notamment du méthane à fort impact).
Installer un composteur me semble simple. Ce peut être un composteur en silo, si on possède un jardin ou un lombricomposteur pour les appartements.
- Acheter en vrac : Ce geste est un peu plus engageant pour les personnes ne se rendant pas en magasin bio. Cependant, il est en train de se démocratiser et cela permet de réduire de nombreux emballages. Il n’est pas nécessaire de tout acheter en vrac dès le début, mais de le faire progressivement. Aujourd’hui on peut trouver du vrac un peu partout. Les petits commerçants acceptent de plus en plus nos contenants. Des magasins spécialisés émergent un peu partout et les grandes surfaces commencent également à le proposer.
N’oublions pas non plus le marché où, personnellement, je fais mes achats alimentaires.
Mais surtout, je conseille de faire cette transition progressivement, pas à pas et avec bienveillance. Nous avons mis 4 à 5 ans pour réduire de 97 % nos déchets résiduels. Le mode de vie zéro déchet est un vrai changement qui apporte bien plus que la réduction de nos poubelles.
Que diriez-vous aux personnes qui hésitent à se lancer car elles ont l’impression que leur geste ne compterait pas à leur petite échelle ?
Il suffit aujourd’hui de regarder le nombre de magasins ou de rayons destinés au vrac qui s’installent ou encore le nombre de recycleries ou d’entrepreneurs qui se lancent dans le zéro déchet. Cela résulte d’une demande des consommateurs qui permet de changer le paysage économique.
Le mode de vie zéro déchet commence véritablement à poser question et à avoir un impact. Par exemple, si cette année, l’État a pris l’initiative d’interdire certains plastiques à usage unique comme les cotons tiges ou les assiettes jetables c’est aussi parce qu’il y a eu une prise de conscience des citoyens sur les enjeux de la réduction des déchets et sur leur impact sur l’environnement.
Je vois aussi souvent une autre question assez proche de celle que vous me posez qui est : pourquoi est-ce que c’est à moi de changer ? Ce n’est pas à nous, citoyens, de tout faire mais le changement ira beaucoup plus vite si tout le monde avance dans ce sens : le consommateur qui peut choisir si oui ou non il achète avec un emballage, l’industriel qui choisit l’emballage de son produit et le politique qui oriente via la législation. Et si les 3 acteurs ne sont pas engagés cela n’ira pas assez vite. Or, le consommateur a un poids énorme puisqu’il indique aux industriels mais aussi aux politiques ses envies et si nous sommes plusieurs cela aura bien sur plus de poids.
De mon côté, ce mode de vie m’a aussi permis de me sentir moins coupable. Nous voyons bien aujourd’hui que l’impact des déchets est un vrai problème et je pense faire ma part en tant que consommateur.
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