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Transition & démarches systémiques et régénératives

Publié le : 7 décembre 2023
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Comment transformer nos territoires et nos organisations grâce à des démarches systémiques et régénératives ?

Pour apporter des premiers éléments de réponse, nous nous appuyons sur des échanges avec Laura WINN, co-fondatrice et enseignante à School of System Change de Londres et sur l’ouvrage « Pour une pensée systémique » de Donella H MEADOWS.

Sommaire :

Un peu de sémantique, qu’entend-on par « Changement systémique régénératif » ?

Un système est un ensemble d’éléments ou de parties organisés et reliés entre eux selon une configuration ou structure qui génère un ensemble cohérent de comportements souvent envisagés comme la « fonction » ou l’« objectif » du système. (Source :  Pour une pensée systémique – Donella H MEADOWS – Glossaire). 

  • Le système ne se résume pas à une simple accumulation d’éléments décorrélés les uns des autres. Au contraire il désigne un ensemble d’éléments, matériels et immatériels, interdépendants et organisés pour accomplir ladite mission ou fonction. Prenons l’exemple du système de l’arbre. Un arbre ne se résume pas à des racines, un tronc, des branches et des feuilles. Au sein du système de l’arbre il y a de nombreuses interactions, leur permettant par exemple, de perdre leurs feuilles à l’automne. Ce qui est vrai pour le système de l’arbre l’est également pour l’ensemble des systèmes.
  • Un changement systémique est une transformation profonde et globale qui affecte l’ensemble d’un système. Il vise à résoudre des problèmes complexes en prenant en compte l’ensemble des relations et des facteurs qui contribuent aux dysfonctionnements, en partant du principe qu’agir sur un domaine à des répercutions sur d’autres.
  • Un changement systémique régénératif cherche non seulement à corriger des dysfonctionnements au sein d’un système mais aussi à créer les conditions de son renouvellement et celui de son environnement : restaurer la santé du système (écologique, sociale, économique, culturelle), renouveler les ressources naturelles, créer des boucles de rétroaction positives pour renforcer le système dans la durée, viser la durabilité pour répondre aux besoins des générations futures. Dans un monde en perpétuel changement, la régénération est toujours au service de l’évolution des systèmes vivants vers plus de complexité et de vitalité.

Un nécessaire changement de paradigme 

De manière générale les humains vivent dans le monde qui les entoure comme s’il n’était pas un système.

Pour Donella H MEADOWS : « Nos problématiques globales persistantes et insolubles relèvent directement de ce décalage ». Il est donc urgent et nécessaire de considérer le monde comme « un système écologique-social-psychologique-économique complexe, interconnecté, et limité »[1].

Les humains ont également tendance à disséquer les éléments d’un système au lieu de s’intéresser à leurs interactions. Nous l’avons vu, nous avons tendance à décrire l’arbre par ces éléments : des racines, un tronc, des branches et des feuilles. Or nous sommes conscients qu’il est capable de faire énormément de choses pour se réguler, se réparer ou s’adapter, et de contribuer à son écosystème. Toutes les relations qui permettent aux arbres d’agir ne sont pas encore identifiées et comprises. La pensée systémique nous invite à revoir notre manière de voir et de penser pour mieux intégrer toutes les composantes du système.

Comment créer du changement alors que le monde est complexe ?

3 notions clés sont nécessaires pour favoriser le changement

  • Les relations multiples : les éléments au sein d’un système sont interconnectés par une multitude de relations complexes. Elles peuvent inclure des boucles de rétroaction et des interdépendances. Comprendre ces relations est essentiel pour analyser les systèmes et impulser le changement.
  • Le potentiel : le système a un potentiel intrinsèque qui peut être exploité. Parfois il suffit de regarder une situation différemment en ne se focalisant pas sur un problème spécifique. Parfois il faut agir sur le paradigme du système, les croyances sur lesquelles sont basées des règles et la structuration du système.
  • La singularité : chaque système est vivant et unique. La pensée systémique n’admet pas le standard et nécessite une contextualisation. Il n’y a donc pas de solution universelle et duplicable dans son ensemble.

Une spécificité de la pensée systémique consiste à analyser le changement par une évaluation de l’évolution des comportements intégrés au système plutôt que de s’attacher à analyser des événements ponctuels, des résultats à un instant T d’une composante du système.

Un outil de la pensée systémique : la cartographie des causalités multiples

Pour analyser les multiples relations de causes à effets qui influencent un système complexe, il est conseillé d’utiliser une cartographie des causalités multiples. Elle permet :

  • d’identifier les facteurs qui ont le plus d’influence sur le système ;
  • de comprendre les effets d’une action et ses répercussions sur d’autres parties du système ;
  • d’anticiper les conséquences d’une évolution d’une partie du système ;
  • de communiquer plus facilement grâce à sa représentation très visuelle.
Exemple de Cartographie des causalités multiples comme outil de la pensée systémique
Cartographie de causalités multiples – Congestion routière – Sources :  School of System Change (CC-by-sa 4.0)

La cartographie des causalités multiples nous montre que, contrairement à ce que l’on pense souvent, il n’y a pas un seul problème et que par conséquent il n’y a pas une solution simple et évidente.

Elle invite à mettre en évidence :

  • des points nodaux: des facteurs qui jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement et la stabilité du système. Sur la carte, on les identifie car ils sont les points d’arrivée et de départ de nombreuses flèches ;
  • des points de démarrage: ce sont des variables du système qui ont le potentiel de provoquer des changements significatifs. Il est possible d’agir sur ces points pour avoir un impact sur le système dans son ensemble. Sur la carte on les identifie car ils sont uniquement les points de départ de flèches sortantes ;
  • des boucles de rétroaction: elles illustrent la façon dont les éléments du système agissent et interagissent les uns avec les autres et affectent le système dans son ensemble. Elles peuvent être positives ou négatives. L’analyse des boucles de rétroaction est essentielle pour la prise de décision. Sur la carte, on les identifie par un réseau de flèches qui se dirigent dans la même direction en formant une boucle.

Pour comprendre son importance il est possible d’adapter la cartographie des causalités multiples à une situation que l’on connaît bien et que l’on aimerait changer. N’hésitez pas à l’expérimenter !

D’autres outils comme les modèles de systèmes dynamiques permettent d’envisager et d’anticiper des changements en posant la question « Et si cela se produisait ? ». Ces modèles sont abordés dans l’ouvrage « Pour une pensée systémique » de Donella H MEADOWS.

2 exemples à l’international : une démarche de changement systémique à Londres et une initiative régénératrice à Mexico City

#1 – La campagne #OneLess à Londres

La pensée systémique a joué un rôle très important pour aborder un problème complexe et interconnecté : la pollution plastique des océans. La campagne #OneLess et son slogan « Hello London, Goodbye Ocean Plastic » est le fruit d’une démarche expérimentale et itérative qui a rencontrée beaucoup de succès.

La démarche de pensée systémique initiée par un collectif d’acteurs locaux en 2016 a permis de :

  • comprendre l’ensemble de la chaîne d’interactions qui cause la pollution plastique des océans ;
  • reformuler la problématique. « Et si finalement il ne s’agissait pas d’un problème de bouteilles plastiques mais d’un problème d’hydratation ? » ;
  • définir des leviers d’action pour réduire la demande de bouteilles en plastique : des fontaines à eau ont été installées dans la ville ;
  • influer sur le changement de paradigme autour de l’utilisation de la bouteille en plastique et promouvoir des alternatives plus durables ;
  • encourager la collaboration entre divers acteurs : entreprises, organismes gouvernementaux, organismes environnementaux et acteurs de la société civile.

 

Logo de la ca campagne #OneLess et son slogan « Hello London, Goodbye Ocean Plastic »

À l’issue de la campagne :

  • 9 millions de bouteilles en plastique ont été évitées
  • L’équivalent d’un million de bouteilles ont été remplies aux nouvelles fontaines
  • 137 000 bouteilles ont été retirées de la Tamise

Finalement la solution qui a permis l’atteinte de l’objectif ne repose pas sur les fontaines à eau qui ont été mises à disposition des habitants mais sur l’impact d’une campagne de communication et de sensibilisation, menée avec la compagnie des transports locale, qui a fait évoluer les comportements des habitants et des touristes en s’appuyant sur la spécificité londonienne et l’identité locale.

#2 – Approche régénérative de gestion de l’eau à Mexico City

Le quartier défavorisé de Xochimilco qui n’avait pas accès à l’eau courante a souhaité mettre en place une stratégie de gestion des ressources et d’utilisation de l’eau.

La démarche de pensée régénérative initiée par l’association locale Isla Urbana a permis de :

  • comprendre l’ensemble des facteurs à l’origine de la pénurie d’eau : croissance démographique, urbanisation, etc. ;
  • définir des leviers tels que des systèmes de collecte, de stockage et de distribution de l’eau de pluie. Des systèmes de récupération d’eau ont été installés sur des maisons individuelles pour permettre l’autosuffisance, la communauté locale a été formée pour l’installation et la maintenance en réseau ;
  • impulser une innovation sociale par la mobilisation des habitants en faisant appel à des marqueurs forts de la relation à l’eau dans leur culture indigène.

 

Visuels de la campagne gestion de l’eau à Mexico City - Mexique

Source : School of System Change –CC-by-sa 4.0(vidéo et autres ressources consultables ici)

En complément des dispositifs techniques et matériels mis en œuvre, les changements de comportements ont été un facteur clé de succès du projet. L’approche retenue pour mettre en mouvement la population locale a été de faire revivre dans l’imaginaire collectif l’ancienne cité de Mexico, bâtie sur un lac. La récupération de l’eau de pluie a été considérée comme un moyen de renouer avec des pratiques traditionnelles de gestion de l’eau et de préserver le patrimoine culturel local tout en répondant aux besoins modernes de la ville.

Merci infiniment Laura WINN !

A l’occasion de notre séminaire interne qui s’est tenu du 11 au 13 octobre 2023 nous avons eu le plaisir de recevoir Laura WINN. Sa conférence, qui a inspiré cet article, a été très appréciée par nos 350 collaborateurs présents pour l’occasion. Nous en avons profité pour lui poser quelques questions. Consultez l’interview de Laura Winn ici.

« La transition écologique nécessite de travailler sur de nombreux sujets de façon simultanée. On ne peut pas réussir ou même amorcer cette transition sans penser à toutes les interconnexions qu’il peut exister entre les questions de climat, de gestion des déchets, d’énergie ou encore de comportements des individus comme des entreprises. Tout cela doit se penser de façon holistique. Laura Winn

 

Pour aller plus loin :

Retrouvez notre actualité dédiée à la sortie du livre « Pour une pensée systémique » (inddigo.com). Écrit par Donella Meadows, co-autrice du célèbre rapport Meadows, cet ouvrage est publié aux éditions Rue de l’échiquier en partenariat avec Inddigo.

[1] Donella Meadows, 1982 “Whole Earth models and systems

 

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