Tous les ans la Semaine Européenne de Réduction des Déchets (SERD) coordonnée par l’ADEME se veut être un temps fort de mobilisation et de sensibilisation autour de la réduction des déchets.
Quels sont les principaux enjeux ? Quelles pistes pour demain ? Nous vous proposons dans cet article de revenir sur les principaux enjeux que nous avons identifiés et sur des pistes de réponses issues de nos retours d’expérience terrain.
L’interdiction progressive des objets à usage unique :
Le plastique à usage unique a fait l’objet de plusieurs réglementations pour en limiter son usage. En mars 2019, l’Union Européenne a sonné la fin de son utilisation en interdisant son emploi et en limitant la mise sur le marché de certains produits (cotons-tiges, couverts, assiettes, pailles, etc.) à l’horizon 2021.
En France, la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire du 10 février 2020 précise les objectifs et met en place un calendrier progressif pour sortir du plastique jetable.
Mais qu’en est-il aujourd’hui ?
Les détournements d’industriels ont fleuri. Des objets à usage unique ont ainsi vu leur appellation modifiée avec la mention « réutilisable ». Zéro Waste France invite les consommateurs à faire preuve de vigilance et à indiquer ces détournements sur les réseaux sociaux via le #onlaissepaspasser.
L’arrivée de la COVID-19 en début d’année a engendré une recrudescence de l’utilisation des objets à usage unique avec bien sûr les masques chirurgicaux mais aussi l’emploi de gants ou de flacons de gel hydroalcoolique. De nouvelles pratiques émergent que nous n’avions pour l’instant pas observées en France à l’image de l’utilisation de gants pour se servir dans un rayon de vrac ou de fruits et légumes.
Aujourd’hui, des filières de recyclage se mettent en place notamment pour la fin de vie des masques chirurgicaux mais les prochains mois vont être cruciaux afin de ne pas retomber dans les travers du tout plastique.
Enfin, avec la fermeture des restaurants, de nouvelles pratiques très consommatrices en emballages à usage unique ont connu une forte croissance comme le recours au click & collect, le drive ou la livraison de repas.
Le réemploi des emballages :
Le réemploi et la réutilisation des emballages est un enjeux clé pour répondre aux objectifs de la France dans le cadre de son programme national de prévention des déchets 2014-2020 et de la Loi relative à la Transition Energétique pour la Croissance Verte du 17 août 2015.
Depuis les années 80 et l’arrivée du tout plastique, la consigne a été mise à mal mais commence aujourd’hui à faire son retour dans les pratiques quotidiennes des ménages mais aussi chez les professionnels.
Inddigo travaille aux côtés de l’ADEME et de la Région Guadeloupe pour la mise en œuvre de l’expérimentation de la consigne pour le recyclage des emballages de boisson en plastique sur l’archipel de la Guadeloupe.
Mais le réemploi ne s’arrête pas aux ménages, de nouvelles pratiques plus responsables ont commencé à voir le jour dans la grande distribution avec notamment l’intégration de cagettes réutilisables dans le circuit logistique permettant aussi un traçage optimisé.
Avec l’accroissement de la vente en ligne, des initiatives voient aussi le jour pour la mise en œuvre de solutions de conditionnement réutilisables. Cependant, l’ouverture de la vente à distance pour les produits frais devrait avoir un impact sur la production de déchets du fait de l’utilisation de solutions de conditionnements spécifiques et non réemployables pour garantir le respect de la chaîne du froid.
La réduction du gaspillage alimentaire :
En France le gaspillage alimentaire représente 10 millions de tonnes de denrées par an dont 33 % sont générés au niveau de la consommation. Avec un gaspillage 4 fois plus important en restauration collective et commerciale qu’à domicile, les enjeux sont importants. En restauration scolaire par exemple, qui représente 39 % du marché de la restauration collective, 115 g sont jetés par convive et par repas en moyenne soit environ 6,7 tonnes par an et par établissement.
La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire met en œuvre une série de mesures pour limiter ce gaspillage avec pour objectif :
Inddigo a accompagné les communes de Toulouse Métropole à une réduction du gaspillage alimentaire dans leurs établissements scolaires du premier degré (maternelles et primaires), à partir de diagnostics permettant d’identifier des actions prioritaires comme la gestion des marchés et des commandes, des propositions et des portions adaptées lors du service ou encore une sensibilisation des convives. Les démarches engagées montrent des résultats très encourageants avec une réduction notable du gaspillage et une forte prise de conscience des parties concernées.
Pour réduire ce gaspillage alimentaire des filières voient aussi le jour à l’image des conserveries solidaires comme J’aime Boc’oh à Chambéry qui collecte les invendus de la grande distribution et des agriculteurs pour les transformer en confitures et chutney.
Les objectifs de réduction du gaspillage alimentaire sont en bonne voie et ce grâce aux dispositions réglementaires et incitatives fortes permettant d’avoir des résultats rapides.
Une meilleure valorisation des biodéchets :
Les biodéchets ou déchets organiques représentent un tiers des ordures ménagères résiduelles des français. La valorisation de ces déchets fait l’objet d’une loi pour la mise en place du tri à la source des biodéchets d’ici 2024. Cela pourra passer par la mise en place de solutions de compostage individuelles ou collectives mais aussi par la collecte de ces biodéchets pour leur valorisation énergétique.
A l’échelle industrielle ou agricole des solutions de valorisation existent. Certains déchets organiques peuvent aussi avoir une vraie valeur marchande. Nous pouvons prendre l’exemple des drêches issues de la fermentation de la bière qui sont aujourd’hui utilisées dans l’alimentation animale. Mais ces usages peuvent aller plus loin avec l’utilisation dans l’alimentation humaine par exemple. Cette valorisation impliquera la mise en place de partenariats entre industriels dans un objectif d’économie circulaire.
L’augmentation de la durée de vie des objets :
Que ce soit notre stylo ou notre grille-pain, il est souvent plus simple pour le consommateur de jeter l’objet quand il ne fonctionne plus plutôt que de le réparer ou de le recharger.
Le marketing mais aussi les évolutions technologiques rapprochées donnent envie aux ménages de consommer toujours plus et incitent à acheter plutôt qu’à réparer l’existant.
Aujourd’hui, nous voyons émerger des initiatives pour favoriser la réparation des objets à l’image des Repair Cafés, des tutos vidéo sur le web ou encore de la mode de l’upcycling. Les industriels commencent aussi à faire des efforts avec la mise à disposition de pièces détachées.
Pour ceux qui ne souhaitent plus garder leurs objets, de nombreuses ressourceries ou supermarchés à l’envers voient aussi le jour pour proposer à certains les objets inutiles pour d’autres. Certaines déchetteries se renouvellent aussi pour proposer à leurs visiteurs des espaces ressourcerie et des installations de compostage des déchets alimentaires à l’image par exemple de la Communauté d’Agglomération du Pays Voironnais.
Le développement des changes lavables :
Les changes lavables qui regroupent les couches pour bébé, les protections périodiques mais aussi les protections à destination des personnes âgées commencent à entrer dans les mœurs. Inddigo travaille depuis plusieurs années sur le sujet avec notamment une méthodologie pour accompagner le changement d’habitudes. Une approche mise en œuvre au sein de plusieurs structures collectives (crèches, maisons de retraite) et éprouvée au sein d’Inddigo avec l’expérimentation individuelle des protections féminines lavables.
Au-delà de l’aspect sanitaire, le développement de l’usage des changes lavables est crucial pour la réduction des déchets car les protections jetables font gonfler le poids de nos poubelles.
Pour en savoir plus, consultez notre article « Les changes lavables, un axe de recherche à fort enjeu dans la réduction des déchets ».
Une meilleure gestion des déchets de chantier :
En France, le secteur du bâtiment engendre à lui seul 46 millions de tonnes de déchets chaque année issus en majorité des travaux de déconstruction et de réhabilitation.
Autant de déchets pour lesquels il est important :
- D’accompagner le développement de filières pour favoriser le réemploi, le recyclage et la valorisation
- D’optimiser leur collecte
- D’éviter les dépôts sauvages
La RE 2020, réglementation qui régit les performances environnementales des bâtiments neufs en 2021, fixe des objectifs plus ambitieux au regard de l’impact carbone. L’utilisation de matériaux de réemploi/recyclés dans les nouvelles constructions peut aider à atteindre ses nouveaux objectifs.
La loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire intègre aussi de nouvelles exigences vis-à-vis des déchets du bâtiment dont la mise en œuvre d’ici 2022 d’une Responsabilité Élargie des Producteurs (REP) sur les produits de construction mis sur le marché afin d’organiser leur gestion en fin de vie.
Pour utiliser des matériaux de réemploi/recyclés de qualité, toute une nouvelle chaîne de déconstruction et production doit alors se mettre en place, localement préférentiellement, notamment pour le réemploi pour rester compétitif vis à vis d’autres matériaux industriels. Des structures dans le domaine de l’insertion comme les chantiers valoristes à Chambéry, appuyés par des architectes engagés, développent de nouvelles activités de tri et transformation des matériaux issus de chantiers du bâtiment afin de développer cette nouvelle chaîne de déconstruction. L’initiative est présentée dans la vidéo MatériO.TEC 73.
Les acteurs du secteur du bâtiment mettent également en place des solutions de recyclage des déchets. C’est par exemple le cas du plâtre, des menuiseries, des isolants. Les exigences de tri sont importantes car la qualité des matériaux/déchets doit atteindre un bon niveau afin qu’ils puissent être réutilisés dans des chaînes de fabrication. Les fabricants de plâtre, laine de verre et vitrage investissent dès à présent dans de nouveaux process pour intégrer des matériaux issus de la déconstruction, gypse recyclé pour le plâtre, verre recyclé pour les vitrages et laine de verre.
Les enjeux sur le béton sont également très importants, un curage minutieux en amont de la déconstruction permettra techniquement de meilleures possibilités de recyclage des bétons.
En conséquence, l’organisation de la déconstruction et du tri sur les chantiers doit être revu. Le mélange doit être évité au maximum et les contenants mis en œuvre sur les chantiers adaptés aux quantités produites.
Pour en savoir plus, consulter notre article Déconstruction : diagnostic déchets ou diagnostic ressources ?
L’enjeu pour demain est de démultiplier les opérations pour élargir le champ d’action et ainsi avoir un impact significatif d’un point de vue quantitatif et qualitatif sur la réduction des déchets.
Les perspectives rendues possibles par l’économie de la fonctionnalité et de la coopération :
L’économie de la fonctionnalité et de la coopération est une autre piste prometteuse. Ce modèle économique innovant met l’accent sur l’atteinte d’une performance mesurable et partagée.
Il nécessite pour cela une coopération étendue entre l’ensemble des acteurs concernés, ce qui permet d’envisager de renverser la logique de la collecte et du traitement des déchets. En effet, jusqu’ici, l’opérateur était rémunéré par la collectivité dans le cadre d’un marché de prestation, avec une rémunération fondée essentiellement sur une mise à disposition de moyens, voire indexée sur les volumes collectés et traités. Ce mode de contractualisation n’est donc pas réellement incitatif en matière de prévention et d’évitement des déchets. Les nouveaux modèles dit « performanciels », de l’économie de la fonctionnalité ouvrent la voie à des innovations contractuelles intéressantes pour inciter chaque acteur à agir dans son intérêt mais aussi celui de la collectivité.
Cette approche est sur le point d’être expérimentée par 5 collectivités territoriales dans le cadre d’une opération pilote initiée par l’ADEME. Il s’agit de tester de nouvelles modalités d’élaboration et de suivi des marchés de collecte et de traitement, en incitant les prestataires à proposer des axes de performance jusqu’ici peux explorés. Par exemple, innover dans les modalités de coopération avec les acteurs locaux, notamment du monde associatif et de l’économie sociale et solidaire, pour renforcer la prévention des déchets par le réemploi, la réparation ou les changements de modes de consommation. Les marchés devront prévoir des clauses d’innovation et de révision permettant d’ajuster les moyens et les engagements de chaque partie tout au long du marché. L’enjeu est d’atteindre une performance globale incluant non seulement les aspects « techniques » de la collecte et du traitement, mais aussi de nombreux autres aspects tels que la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la qualité de vie et la santé, la montée en compétence des acteurs ou encore l’attractivité économique du territoire.