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Sélection livre | « Biomiméthique : Répondre à la crise du vivant par le biomimétisme »

Publié le : 18 mars 2021
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A l’occasion de la sortie de son livre, Emmanuel DELANNOY, consultant associé chez Pikaia répond à notre interview. Une conversation passionnante pour un livre engagé, un manifeste en faveur d’un nouveau modèle biomimétique et régénératif.

Nous remercions Emmanuel DELANNOY pour avoir partagé avec nous sa passion et sa vision du biomimétisme. Et nous vous laissons à présent découvrir son livre à travers nos quelques questions en espérant que vous y trouverez autant d’intérêt que nous.

Qu’est-ce que la biomiméthique ?

Le mot « biomimétique » est une contraction de « biomimétisme » et de « éthique ».
Il traduit une réflexion que j’ai souhaitée mener sur l’éthique du biomimétisme. Je n’ai pas la volonté d’imposer un nouveau terme ou néologisme, mais de saisir le fait que le biomimétisme est un outil qui est de plus en plus utilisé et qui doit par conséquent, comme tout outil puissant, être encadré par une vision éthique.
Le biomimétisme est aujourd’hui très présent dans l’univers du design, de l’ingénierie, de plus en plus dans le monde du management et même de la stratégie. Se pose alors la question fondamentale qui est « Comment faire en sorte que le biomimétisme serve le vivant dans son ensemble ? » autrement dit « Comment faire en sorte que le biomimétisme soit au service de l’humain mais aussi de la biodiversité ? ».

Dans ton livre tu écris « Il n’y a pas de crise du vivant, il n’y a qu’une crise de notre relation au vivant » qu’est-ce que cela signifie ?

C’est une nouvelle manière d’approcher l’éthique que je développe en partie dans mon livre.
Quand on parle d’éthique du vivant, on fait référence à des visions qui ont tendance parfois à s’opposer.

  • des visions plutôt anthropocentriques, où l’on raisonne sur l’homme et la satisfaction de ses besoins, et donc qui entendent de préserver la biodiversité parce qu’elle est utile pour l’humanité
  • des visions plutôt biocentriques qui se traduisent par la préservation de la biodiversité pour ce qu’elle est, indépendamment de toute utilité
  • des visions plutôt eco-centriques où l’enjeu est de conserver l’intégrité, l’intégralité fonctionnelle, et la diversité des écosystèmes non seulement pour ce qu’ils sont mais aussi pour qu’ils puissent aussi se projeter ailleurs et s’adapter dans le temps.

A mes yeux, il n’y a pas d’opposition frontale ce ces visions. Toutes ces éthiques, qui s’intéressent à des entités en relation les unes avec les autres, sont intéressantes. Mais elles sont particulièrement intéressantes quand on les combine et qu’on les articule.
Pour moi, le vivant n’est pas en crise car le système vivant planétaire, lui, s’adaptera aux changements à venir, même les plus « brutaux », comme il l’a fait dans le passé. Mais il n’est toutefois pas certain que ces adaptations se fassent dans un sens qui sera favorable à l’humanité.
L’enjeu n’est donc pas tant l’éthique de l’humanité ou l’éthique de la biodiversité, mais plutôt celle des relations entre l’humanité et la biodiversité. Ce qu’il est important de conserver et de restaurer, c’est la qualité de notre relation avec le vivant car c’est elle qui subit une crise. Il faut donc chercher à rendre la relation entre humanité et biodiversité plus harmonieuse, plus esthétique et plus équilibrée.

Couverture du livre Biomiméthique : Répondre à la crise du vivant par le biomimétisme

Pourquoi as-tu souhaité écrire cet ouvrage ?

Le biomimétisme est devenu un sujet majeur pour les entreprises, pour les institutions. Il est enfin pris au sérieux et c’est tant mieux. Lorsque l’on s’intéresse à tout ce qui est écrit aujourd’hui sur le sujet, on découvre des approches méthodologiques pour concevoir des solutions très efficaces en faveur de la maîtrise de l’énergie, des nouveaux matériaux plus performants, des nouveaux procédés, etc. On peut effectivement dire que le biomimétisme est au service de la transition écologique de l’humanité.
Pour autant, est-ce que le biomimétisme sert la biodiversité ?
Alors que le concept de biomimétisme se développe, je pense qu’il faut se demander s’il est réellement bénéfique à la relation entre l’humanité et la biodiversité. Il faut identifier les enjeux pour qu’il soit utilisé d’une manière vraiment éthique pour l’ensemble du vivant planétaire humain et non humain.

Quels messages concrets souhaites-tu passer ?

Le premier, c’est le besoin de créer une « économie de la régénération »

Face aux enjeux du bouleversement climatique, de l’effondrement de la biodiversité et de la crise sanitaire que nous traversons, nous avons compris qu’il fallait protéger l’environnement. On parle de plus en plus de « Zéro impact », « Zéro émission de carbone », « zéro perte nette de biodiversité » ou de « Zéro déchet » mais en réalité, ce n’est plus suffisant ! Il faut imaginer une économie qui répare ce qui est cassé dans la biosphère, une économie qui ait un impact positif, des externalités positives.

C’est un petit peu comme lorsqu’on travaille en agroforesterie ou en permaculture. Cette pratique agricole restaure les sols, la diversité des écosystèmes, la biodiversité, la qualité des eaux, le climat local et global. Cette agriculture est vraiment productive et rentable, mais en plus, elle répare ce qui est abimé, ou dégradé, dans l’écosystème.

Le second, c’est la nécessité d’apprendre à co-exister autrement avec le vivant

Ce serait arrogant d’imaginer que l’on puisse contrôler ou maîtriser le vivant sur Terre. Il faut donc qu’on apprenne à coexister avec lui différemment. Sortir du paradigme de la domination de la nature ne signifie pas qu’il faut se soumettre à ce qu’on appelle souvent « les caprices » de la nature mais il faut trouver un nouvel équilibre dynamique qui repose sur une maîtrise, non pas de la nature, mais des compétences et des techniques qui nous permettent d’interagir avec elle et de tirer parti de son fonctionnement et de sa puissance.
Une des images que j’utilise dans mon livre pour illustrer ce propos est celle du surfeur. Finalement, il ne maîtrise pas la vague, mais ce qu’il maîtrise, ce sont les techniques qu’il a acquis au cours de son entraînement pour interagir avec elle.

 

Le troisième, c’est que nous avons besoin d’aller vers un nouvel imaginaire collectif

Je suis convaincu que le biomimétisme peut jouer un rôle pour forger un nouvel imaginaire collectif dans notre relation au vivant. Il va restaurer notre capacité à nous émerveiller face à des choses qu’on ne voit même plus ou que l’on considère comme banales alors qu’elles sont essentielles dans la relation qu’on peut avoir au vivant.
Pour les autres messages clés, je vous invite à lire mon livre (rire…)

Que vont retrouver les lecteurs dans ton livre ? Quelles sont les grandes parties ?

  • Tout d’abord, une explication de la situation actuelle avec un avant-propos sur la crise sanitaire et surtout ce qu’elle révèle sur les dysfonctionnements de notre société et sur notre rapport au vivant.
    En introduction, j’aborde également la question de la transition écologique qui, à mon avis, est très souvent mal posée. Tout le monde parle de transition, sans vraiment dire de quoi il en retourne. Une transition, c’est une trajectoire, on laisse derrière nous quelque chose pour aller chercher autre chose. En réalité, aujourd’hui, ni l’un ni l’autre ne sont définis. J’insiste donc sur la nécessité de clarifier les termes de la transition.
  • Je traite aussi la question de l’énergie de manière large. Il s’agit de prendre en compte l’ensemble de l’équation énergétique et ne pas considérer uniquement les sources d’énergie. Cela passe par les usages mais aussi, forcément, par la sobriété énergétique. Il y a en effet une biocapacité planétaire liée à une certaine quantité d’énergie que l’on peut utiliser et transformer sur Terre.
  • Je m’intéresse aussi au rapport à la technologie. La technologie est, certes, une excellente chose pour résoudre des problèmes technologiques, mais on y fait trop souvent appel pour résoudre des problèmes qui ne sont pas d’ordre technologique. C’est une sorte de d’échappatoire qui permet de contourner et d’échapper aux vraies questions qu’il faudrait se poser. De vraies questions qui peuvent être résolues par des pratiques organisationnelles, comportementales, par des manières de vivre, de décider en société et de prendre nos responsabilités.

En première partie de mon livre, j’explique comment le vivant peut nous inspirer un mode d’économie qui soit régénératif, qui restaure les écosystèmes, donc un mode d’économie à externalités positives.

Toute cela nous amène à la deuxième partie du livre dans laquelle je développe le concept d’éthique du biomimétisme et les valeurs sur lesquelles il repose. Je propose en effet un certain nombre de valeurs dans notre relation au vivant et ensuite j’y associe des questions de pratiques, de manières de faire. C’est un peu comme si les valeurs étaient des principes moraux, et l’éthique leur mise en action. Autrement dit, j’explique comment nous pourrions exprimer ces valeurs pour qu’elles puissent donner du sens dans notre manière d’innover, dans notre manière de produire des richesses. C’est évidemment à cela que nous amène l’éthique du biomimétisme.

A qui s’adresse ton livre ?

Et bien à tous, de 12 ans à 99 ans voire plus (rire à nouveau…). J’invite les étudiants en grandes écoles, en école d’ingénieur, ou en école de design, les managers et toutes les personnes qui ont potentiellement des décisions à prendre en lien avec de l’innovation technologique, organisationnelle et autre, que ce soit pour eux-mêmes ou pour une structure à lire mon livre. Le biomimétisme peut vraiment nous emmener très loin, si tant est qu’il soit utilisé avec éthique.

Un mot pour finir ?

Pour clore cet échange, je voudrais insister sur la dimension de l’émerveillement.
La rationalité qu’il peut y avoir dans l’analyse du vivant et la manière dont on va transposer ses principes de fonctionnement dans nos modèles d’organisation et dans nos modes de production est évidemment importante. Mais si on veut que le biomimétisme soit pratiqué de manière durable et qu’il soit bien compris, bien accepté, bien intégré, il faut que ce nouveau rapport au vivant soit désiré. Il y a une vraie dimension culturelle à considérer pour transformer notre rapport au vivant, qui passe par l’émerveillement et la capacité à l’accepter pour ce qu’il est vraiment, y compris à travers ce qui nous semblera banal. Nous devons renouveler notre regard sur le vivant à travers, entre autres, le biomimétisme mais pas seulement. Notre rapport au vivant est poétique, il est merveilleux, il est beau !

Annonce sur la sortie du livre Biomiméthique : Répondre à la crise du vivant par le biomimétisme

 

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