À la veille de la cop21, l’accélération du réchauffement climatique nous oblige à diminuer drastiquement la consommation des ressources matérielles et énergétiques nécessaires pour l’usage, la réhabilitation et la construction des villes et des territoires urbanisés. Mais la crise économique mondiale de 2008 a modifié les priorités : sous couvert d’équilibre budgétaire, les ambitions environnementales sont trop souvent bradées et les espaces publics sacrifiés. Il est donc urgent d’expérimenter et de promouvoir les alternatives créatives et solidaires.
Après avoir été porteuses d’innovations au cours des dix dernières années, les notions de « ville durable » et d’écoquartier se réduisent désormais trop souvent à un outil marketing pour verdir les projets d’aménagements. Quant aux pratiques actuelles, elles ne sont pas du tout à la hauteur des ruptures nécessaires dans nos modes de vie et nos manières de travailler, de nous déplacer et de consommer.
Heureusement, des alternatives s’épanouissent. Dépassant les anciennes méthodes de certifications déconnectées de la réalité des usages, produits défiscalisés d’investissement spéculatifs et normes de sécurité garanties hors sol, des approches originales et pertinentes se mettent en place dans toute la France. Elles contextualisent les procédures au plus près des gens et de leurs territoires, et nourrissent la conviction qui nous rassemble aujourd’hui : une autre vi(ll)e est possible !
ces nouvelles méthodes s’affranchissent de règles peu à peu stratifiées et fossilisées
Confortés par ces nouvelles procédures, des projets architecturaux et urbains responsables, économes et inventifs montrent la voie. En réponse aux attentes immédiates, ces mouvements plus ou moins rebelles prennent de l’ampleur. C’est la logique du bottom up, l’innovation ascendante qui se méfie des solutions imposées par une élite déconnectée du terrain. Animées par un engagement bienveillant et nourries par une économie alternative autour du partage et du réemploi, ces opérations préfèrent l’intelligence collective à l’injonction de participe le ménagement à l’aménagement, les besoins sociaux à la norme imposée, la transformation de l’existant à la démolition/reconstruction, les usages nouveaux àl’habitude, le collaboratif à l’individualisme, le low-tech au high-tech, la créativité au prémâché, la proximité à la mobilité contrainte, le juste temps à l’accélération imposée, l’humanité à la technicité…
Misant sur l’intelligence, l’inventivité et la maîtrise d’usage du numérique pour imaginer des réponses adaptées à chaque contexte, ces nouvelles méthodes s’affranchissent de règles peu à peu stratifiées et fossilisées, qui empêchent les professions d’évoluer alors qu’une profonde et indispensable mutation s’annonce. Au-delà de la promotion classique, ces démarches visent la qualité d’usage des bâtiments et lient leur performance écologique au territoire pour s’en réapproprier le destin. Elles créent ainsi une urbanité plus vive, plus mouvante et plus réactive, à l’image d’une société en transition…
Inspirées par un engagement citoyen et une éthique environnementale, ces manières inédites de produire la ville et les territoires urbanisés vont directement à l’essentiel, mettent les désirs et la participation de l’habitant au centre de la démarche, et misent sur la sobriété et l’évolutivité. L’hybridation des moyens et la coopération de multiples « acteurs » culturels, associatifs, sportifs et économiques, de tous les âges, constituent la réponse attendue aux défis environnementaux, sociaux et économiques.
En s’appuyant sur de nouveaux modes de financement et de gouvernance, ces pratiques bouleversent le rôle de chacun par une mutualisation plus judicieuse des lieux, des équipements et des services, à toutes les échelles. Elles suscitent ainsi l’émergence d’une nouvelle culture de « l’en-commun ».
La pertinence vient du pluralisme des choix, de la diversité des pratiques et de la nouvelle territorialité du politique. Activons la vitalité de la société locale et favorisons l’audace, l’ouverture et la créativité. Construisons ensemble une ville écoresponsable et porteuse d’un nouveau sens humaniste, solidaire et équitable.
Co-auteurs :
Jean-Marc Gancille et Philippe Barre, co-fondateurs de DARWIN Eco-système
Dominique Gauzin-Müller, rédactrice en chef d’EK/EcologiK
Bruno Lhoste, président d’Inddigo, co-fondateur d’éco-quartiers.fr
Philippe Madec, architecte-urbaniste
Thierry Paquot, philosophe de l’urbain
Article initialement publié le 18/08/2015 sur le blog www.eco-quartiers.fr