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Et si l’idée de Développement Durable n’était pas ringarde ?

Publié le : 21 septembre 2020
Auteur : Bruno Lhoste
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La semaine du développement Durable 2020 et le cinquième anniversaire de l’adoption des Objectifs du Développement Durable sont l’occasion de revenir sur cette idée qui fait l’objet de vives critiques en France depuis des années.

Les français ont souvent le don d’épuiser aussi vite un concept qu’un président de la république, de le ringardiser rapidement pour le remplacer par un autre qui aura sans doute une durée de vie aussi courte. Ainsi l’idée de Développement Durable a été sévèrement critiquée, pour être remplacée depuis quelques années par celle de Transition écologique[1], qui commence à son tour à être remise en question. On peut reprocher à cette transition d’évoquer la mise en mouvement mais sans définition claire de l’endroit vers où l’on se dirige. On peut aussi lui reprocher l’affaiblissement du champs couvert par rapport au Développement Durable et en particulier son abandon de la dimension sociale. C’est le débat qui fait rage dans notre pays entre « fin du monde » et « fin du mois ».

Le cadre des Objectifs de Développement Durable (ODD), même s’il est perfectible, apporte selon moi une vision plus riche que ce celui de la Transition Ecologique. Je partage avec vous ma réflexion.

Les critiques sur le DD

La première critique du Développement Durable a porté sur sa dimension de durabilité avec l’opposition entre durabilité faible et durabilité forte. On peut essayer de la traduire simplement par d’un côté la recherche d’un « compromis » acceptable entre les trois dimensions environnementales, sociales et économiques, souvent au profit de l’économique et de l’autre la hiérarchie entre ces trois composantes, l’économie devant être au service du social, dans les limites de l’environnement. De telles différences d’interprétation pouvant justifier n’importe quel greenwashing disqualifiait ainsi le concept :

La durabilité faible
Durabilité faible
La durabilité forte
Durabilité forte

La notion de développement était elle aussi critiquée dans deux dimensions. La première dans son emploi par les institutions internationales, avec l’idée d’un chemin unique que devraient emprunter tous les pays. La seconde assimilant développement à croissance économique, soulignant l’impossibilité d’une croissance illimitée dans un monde fini et disqualifiant ainsi l’association développement durable comme un oxymore (deux termes antagonistes).

Il me semble que nous restons en la matière prisonniers de notre pensée mécaniste issue de Descartes. Le développement est perçu comme quantitatif et associé en matière d’environnement à la face noire de la société de consommation, à la montagne de déchets qui augmente sans fin comme ces millions de tonnes de plastiques qui se déversent dans les océans ou à nos émissions de CO2 que nous n’arrivons pas à freiner. Or, si l’on fait plutôt référence au monde vivant, le développement peut prendre une autre tournure, bien plus attractive : développement d’un arbre, d’un enfant, des connaissances, des compétences, des relations, etc. Faut-il vraiment s’opposer à tout développement ? De même si plus personne ne croit à UN modèle de développement pour tous les pays, si l’on n’est pas postmoderne relativiste, on ne peut ignorer des développements signes de progrès de notre civilisation humaine : réduction de l’esclavage, droits de l’homme, égalité homme/femme, etc. Ainsi, en sortant de l’univers mécaniste pour prendre en compte la richesse du vivant et en s’ouvrant à la pluralité, la notion de développement(s) redevient tout à fait pertinente pour penser les transformations à venir. Il est possible alors d’y adjoindre de nouveau le terme de durable ou de soutenable, pour accompagner les trajectoires nécessaires pour éviter les effondrement qui menacent notre civilisation humaine.

 

La relance par les ODD

Pendant que les francophones s’étrillaient sur le concept de DD, le reste du monde, sous le pilotage de l’ONU le retravaillait pour produire en 2015, après une large concertation des parties prenantes des objectifs permettant de traduire concrètement les « 3 piliers » en enjeux partagés et objectifs mesurables, pour tous les pays, riches comme pauvres. Ils prenaient ainsi la suite des Objectifs du Millénaire, huit objectifs couvrants les grands enjeux humanitaires et destinés aux pays en développement pour la période 2000-2015. Les Objectifs de Développement Durable (ODD) définissent 17 priorités pour un développement socialement équitable, sûr d’un point de vue environnemental, économiquement prospère, inclusif et prévisible, à horizon 2030 (l’Agenda 2030). Chacun des 17 ODD est détaillé par des cibles (169 au total) qui définissent les priorités des différents objectifs et les actions à mettre en place.

Les 17 objectifs du développement durable

Les ODD fournissent pour la première fois un cadre de référence commun partagé pour tous les pays et pour toutes les parties prenantes états, collectivités, entreprises, financiers, ONG, citoyens. Ces 4 principaux atout sont, d’après Novéthic :

  • Un cap chiffré, propre à l’action, pour 2030. Chaque année, les États sont invités, sur une base volontaire, à rendre compte de leurs progrès, sur la base de 244 indicateurs déclinés par pays
  • Un agenda universel établi avec l’ensemble des parties prenantes
  • Un langage commun permettant une collaboration entre les parties prenantes
  • Un cadre holistique: les objectifs sont interdépendants de façon positive ou négative démontrant que l’on ne peut « oublier » une dimension

Ils mettent également en lumière le chemin restant à parcourir dans les pays riches comme les questions d’égalité femmes-hommes ou de réduction des inégalités. La France a mis un peu de temps à s’approprier ce nouveau cadre et n’a publié sa feuille de route pour l’agenda 2030 qu’en septembre 2019. Celle-ci remplace la stratégie développement durable

Le Sustainable Development Newtork (SDN) établi pour chaque pays, un classement de chaque État par rapport à l’atteinte des ODD.  Ce sont les pays européens qui sont les mieux classés.  En 2019, la Suède fait la course en tête du classement et la France, considérée par une grande partie de ses habitants comme la plus médiocre des élèves, est classée 4ème après la Suède, le Danemark et la Finlande. Nos point forts dans ce référentiel sont la santé et l’éducation, mais aussi la capacité à contenir la pauvreté et les inégalités par la redistribution. Notre point faible est l’environnement, domaine qualifié de « contrasté » :  la France est dans le rouge concernant la lutte contre le changement climatique (ODD 13) et dans l’orange pour la biodiversité (ODD 14 et 15). Pour la SDN : « comme pour tous les autres pays de l’OCDE, les forts taux d’émissions de CO2, les niveaux de pollution élevés et les menaces sur la biodiversité vont nécessiter en France des transformations considérables en vue d’atteindre les objectifs d’ici la date limite de 2030 ». Par ailleurs, « la France génère d’importantes externalités négatives en matière d’environnement et de sécurité, notamment à travers ses activités commerciales incluant les exportations d’armes, qui compromettent la capacité d’autres pays à atteindre les ODD ».

Le cadre des ODD est un référentiel commun, perfectible, avec ses limites et ses impasses (les pratiques démocratiques par exemple), mais il permet de fixer des objectifs concrets, de les suivre et de se comparer. Il apporte une vision large et réellement systémique, plus riche que ce celle de  la Transition Ecologique, même solidaire.

Pour donner encore plus de sens aux ODD, pour exprimer plus fortement les limites de la planète et la priorité au vivant, dans une approche de durabilité forte, je vous encourage à en adopter la présentation du Stockholm Resilience Center :

Le Stockholm Resilience Center

[1] voir par exemple Transition écologique, plutôt que développement durable -Entretien avec Dominique Bourg (2012)

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