Alors que nous sommes face à l’énorme défi que représente la mise en œuvre de l’accord de Paris sur le Climat, les questions de changement de notre modèle et de la manière de le conduire se posent de manière urgente. Des propositions qui interrogent la meilleure manière d’opérer ce changement ouvrent des débats nourris dans la presse et les réseaux sociaux.
Certaines font l’actualité des media grand public comme le film de Mélanie Laurent et Cyril Dion « Demain » qui va atteindre le million de spectateurs. D’autres, à partir de démarches se revendiquant des sciences humaines, s’adressent à un public plus spécialisé comme l’étude « La vie Happy », [1] qui propose « des éléments de compréhension et surtout des pistes d’actions pour accélérer la transition vers des modes de vie plus durables ». Au cœur des débats, cette question : une transition vers une société soutenable peut-elle s’opérer à partir de la multiplication de changements d’individus ou de groupes de petite taille qui, à un certain stade et sans avoir besoin d’atteindre une majorité, font basculer la société toute entière dans un autre modèle ? C’est le pari de certains mouvements, comme celui des Colibris de Pierre Rabhi, dont la philosophie s’exprime dans le film Demain, mais aussi le postulat de certains courants de la psychologie environnementale, que l’on retrouve dans l’étude La vie Happy.
Cependant, les initiatives alternatives mises en avant qui se développent dans les marges pourraient très bien plutôt que de s’amplifier, y rester en faisant office de soupape évitant une remise en question plus importante du modèle de production et de consommation actuel. C’est l’analyse de critiques radicaux comme Pierre Thiesset, dans son article au vitriol dans La Décroissance « Demain ou le nouvel âge de l’économie libérale », qui considère que ces démarches pionnières ne sont que de l’huile dans les rouages du capitalisme destructeur : « Ce que livre Demain, c’est un grand récit béat. […] On comprend tout l’intérêt du pouvoir à promouvoir une telle écologie de prêchi-prêcha, totalisante, qui nie l’altérité et évacue tout conflit politique.»
Quant aux approches s’appuyant sur la psychologie environnementale, elles s’inspirent d’une pensée libérale qui valorise l’individu, en oubliant un peu vite la société et ses rapports de pouvoirs. Comme le rappelle régulièrement la sociologue Marie-Christine Zelem, « changer nos modes de consommation suppose de changer de système de consommation en même temps que de changer nos modes de vie. Il n’y pas de changement de mode de vie sans changement de ce qui les structure ».
Si l’on opte pour une approche complexe du changement, on s’intéressa à la manière dont les changements peuvent se développer et s’articuler à différents niveaux : l’individu qui doit se réinterroger sur le sens et la cohérence de ses actes, l’offre de consommation avec de nouveaux produits et de nouveaux services facilement accessibles, le politique avec des cadres législatifs et fiscaux incitatifs ou au moins tolérants à ces nouveaux modes. Et l’on n’oubliera pas la capacité de frein ou de blocage de tous ceux qui tirent grands profits de l’organisation actuelle et qui n’ont surtout pas envie d’y renoncer…
Le changement porté par à une offre structurée alternative peut s’illustrer par la montée en puissance de nouveaux acteurs auxquels Inddigo est associé, comme Energie Partagée avec une offre d’épargne citoyenne alternative pour la production d’énergies renouvelables, Enercoop avec une offre d’électricité réellement renouvelable pour les ménages et les entreprises ou encore la NEF avec une offre de finances éthiques, qui vient enfin d’obtenir un statut de banque, même si ce n’est pour le moment encore uniquement pour les entreprises. Ces trois organisations se sont d’ailleurs associées durant la COP 21 au travers de la campagne « Epargnons le climat ».
S’il est difficile voire illusoire d’évaluer la part respective de chacun des niveaux dans le processus global de changement, il semble par contre clair qu’il est fallacieux de vouloir mettre la responsabilité uniquement sur le dos des individus. Ceux-ci changeront d’autant plus facilement de comportement individuel que leur environnement aura été modifié pour faciliter cette évolution. C’est l’un des principes de base de la permaculture, qui s’applique aussi bien en agriculture que dans les organisations et les sociétés.
[1] Réalisée par Mes Courses pour la Planète en partenariat avec l’ADEME, IKEA et l’Institut de liaisons et d’études de industries de consommation – Prodimarques